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Chute mortelle en escalade d'une ado : des failles dans l'encadrement ?

Chute mortelle en escalade  d'une ado : des failles dans l'encadrement ?
© Cyrielle Cava Michard

JUSTICE / Le parquet de Gap a requis 2 ans de prison avec sursis et 20.000 euros d’amende. Le délibéré est attendu pour le 3 juillet prochain

 

-Hautes-Alpes - 

Un stage d’escalade qui avait tourné au drame, jugé ce jeudi après-midi par le tribunal correctionnel de Gap. Le 20 avril 2024, à Orpierre, une adolescente de 16 ans, Camille, avait fait une chute d’une quinzaine de mètres. Elle était décédée quelques heures plus tard. Camille participait à un stage organisé par le Club Alpin Français de Roanne dans la Loire. Vingt et un adolescents, encadrés par huit adultes, y participaient.

Ce jeudi, devant la justice, étaient convoqués pour homicide involontaire l’ancien président du Club Alpin Français de Roanne, Jean-François, et le responsable du stage escalade Philippe. 

Leurs déclarations étaient suivies de près par les magistrats, les avocats de la défense et des parties civiles, le parquet mais aussi par la famille de la victime. Sont présents dans l'audience ses parents mais aussi ses grands-parents maternels et paternels. Si Jean François souhaite s'exprimer directement auprès de la famille, sa demande est rejetée : « ce n'est pas le moment » exprime le président du tribunal. S'ensuit alors un procès, dans la méticulosité, pour comprendre pourquoi Camille ce jour-là s'est retrouvé sur une voie avec une corde trop courte, précipitant au moment de la descente sa chute et sa mort.

 

Une corde trop courte sans nœud de sécurité

En 2024, elle participait à ce stage d'escalade avec un groupe. Le 18 avril, elle enchaîne les voies depuis 11h30. Le groupe est réparti sur deux activités : une sur plusieurs longueurs avec des cvordes de rappel de 50 mètres, l'autre sur des grandes voies avec des cordes de 80 mètres. Après la pause repas, Camille repart escalader avec Thaïs, son binôme, une jeune fille de 14 ans. 

Mais sur la grande voie, elles utilisent la mauvaise corde : celle de 50 mètres trop courte. Et au bout, aucun nœud de sécurité qui aurait permis de bloquer cette corde, qui file dans le système d’assurage. Camille chute de 15 mètres. Transportée à l'hôpital de Grenoble, elle décède 3 heures plus tard.

 

Des failles dans la sécurité ?

Le parquet a convoqué un témoin : le directeur d'enquête, secouriste au sein du PGHM de Briançon, afin de déterminer s’il y avait eu des failles dans l’organisation et la surveillance des adolescents ce jour-là. « Des erreurs successives déterminantes dans sa mort » indiquent les avocats de la partie civile. Ce jour-là, aucun des huit encadrants n'a vu que cette corde de 50 mètres pratiquement de la même couleur que celle de 80 avait été utilisée. 

Quant aux consignes de sécurité, elles n'étaient pas rappelées avant la séance. « Il y avait des rappels particuliers, précise Jean-François, quand vous apprenez à conduire on ne vous rappelle pas le code de la route » déclare-t-il à la barre.

 

« Quand je prends l'avion, on me donne toujours les consignes de sécurité » rétorque le président du tribunal

 

Autre défaillance, le nœud de sécurité pas contrôlé. Les deux encadrants admettent rapidement leur négligence mais défendent leur approche pédagogique dans l'autonomie des adolescents. Quant aux cordes, elles ne se situaient pas au même endroit, mais personne pour contrôler leur gestion par un groupe d’adolescents. « Votre organisation permettait-elle une veille sécuritaire ? » demande le président du tribunal. « Je pense que oui » répond Jean-François.

 

Des négligences pointées par la famille

Cette réponse suscite une onde de choc chez les parents. Le père, qui pratiquait l'escalade avec sa fille, déclare à la barre que ce sont des négligences qui ont coûté la vie à sa fille.

 

« Si tout avait été fait en matière d'organisation, de formation, de surveillance et de gestion du matériel, Camille serait là aujourd'hui » père de Camille

 

Il demande une justice ferme à l'encontre des prévenus, « de la vraie prison » comme il dit. Son épouse explique aujourd'hui ne plus pouvoir sortir de chez elle depuis la mort de sa fille par crainte de croiser des connaissances. Elle précise n'avoir reçu aucun message de compassion de la part des prévenus.

 

« Ces personnes sont responsables de la mort de Camille » mère de Camille

 

De son côté, le parquet a requis 2 ans de prison avec sursis et 20.000 euros d’amende. Le délibéré doit être rendu le 3 juillet prochain à 13h30.

C. Cava Michard