- Hautes-Alpes -
C’est un procès sous haute tension qui s’ouvre ce jeudi devant le tribunal correctionnel de Gap : le procès des dénommés « 3 de Briançon », qui sont depuis devenus 7. Sept femmes et hommes suspectés d’avoir permis l’entrée de migrants fin avril, près de Briançon.
Retour sur les faits
22 avril 2018 : alors que « Génération identitaire » quitte progressivement le Col de l’Échelle, après avoir mené pendant une journée une opération anti-migrants, la réponse des « antifascisti » se dresse de l’autre côté de la frontière, depuis l’Italie. Ils sont plus de 150 personnes à manifester et forcer le barrage de gendarmerie à Montgenèvre. Dans le cortège, une 30aine de migrants passe la frontière.
Éléonora, une étudiante italienne de 27 ans, et Théo et Bastien, deux Suisses de 23 et 26 ans, sont interpellés et poursuivis pour aide à l’entrée e personnes en situation irrégulière et en bande organisée. Trois manifestants qui deviennent alors un vrai symbole, les « 3 de Briançon ». Conduits devant la justice à l’issue de leur garde à vue, ils sont dans un premier temps placés en détention provisoire, ce qui fait alors naître une vague d’émotions auprès des pro-migrants, qui organisent tour à tour des mobilisations de soutien.
Début mai, c’est le romancier italien Erri de Luca qui rejoint le mouvement, et lance un appel pour que l’on libère les « 3 de Briançon ».
Un millier de personnes signe cet appel, notamment Jean-Luc Mélenchon, Karin Viard ou encore José Bové. Finalement, le 31 mai, le procès prend place à Gap. En raison d’une question de constitutionnalité, les magistrats décident du renvoi du dossier à ce 8 novembre. En attendant leur jugement, les « 3 de Briançon » ressortent libres. Les « 3 » qui deviennent en juillet les « 7 » avec le placement en garde à vue de Benoît, Lisa, Juan et Mathieu, qui eux aussi seront jugés ce jeudi pour aide à l’entrée de personnes en situation irrégulière et en bande organisée. L’un d’entre eux, Mathieu, devra aussi répondre du chef de rébellion lors de son contrôle d’identité.
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Quand une question de constitutionnalité renvoie l'affaire
En effet, la question de la constitutionnalité s’est invitée dans le débat, et a fait de ce procès non plus simplement celui de trois personnes, mais d’une question plus large. Que risque t-on lorsque l’on aide des migrants ? L’instance des sages, le Conseil constitutionnel avait donc été saisi par Cédric Herrou, cet agriculteur de la vallée de la Roya condamné pour avoir offert son aide aux migrants.
« La liberté d’aider autrui, dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national »
En juillet, le Conseil Constitutionnel reconnait le principe de fraternité c’est-à-dire « la liberté d’aider autrui, dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national ». Et il fait bien la différence entre aide désintéressée, comme celle de militants, et aide rémunérée, celle des passeurs. Ainsi, désormais, toute action d’aide apportée dans un but humanitaire sera exempte de poursuites judiciaires. L’aide au séjour comme l’aide à la circulation de l’étranger irrégulière sont exemptes de poursuites lorsque ces actes sont réalisés dans un but humanitaire.
Par contre, l’aide à l’entrée sur le territoire n’est pas exemptée car elle fait naître, par principe, une situation illicite. Le cas des « 7 de Briançon » sera-t-il donc considéré comme une aide sur le principe de fraternité, ou une infraction à l’ordre public. Dans la 2ème situation, les prévenus risquent jusqu’à 10 ans de prison.
160 CRS attendus, entre 700 et 1.000 manifestants annoncés
Dès ce mercredi soir, les véhicules sont interdits de stationner aux abords de la préfecture des Hautes-Alpes et du tribunal, car ce sont entre 700 et 1.000 personnes qui seraient attendues pour soutenir les « 7 de Briançon ».
C’est un important dispositif de sécurité qui sera mis en place ce jeudi, aux abords du Palais de Justice. En effet, déjà deux compagnies de CRS sont annoncées, soit environ 160 personnels. Et pour cause, le procès s’annonce particulièrement suivi, déjà par les nombreuses associations telles que « Tous Migrants » ou « Réseau Hospitalité ». Plusieurs départs seront donnés ce jeudi matin depuis Marseille, avec trois bus au complet. Un bus est également parti depuis Toulouse mercredi soir, des covoiturages sont organisés depuis la Vallée de la Roya, Valence, Crest, Die et même Genève. En tout, ce serait entre 700 et 1.000 personnes qui pourraient se rassembler devant le tribunal de Gap.
Même si les associations n’ont eu aucune information, la crainte de certains serait la présence de « Black Blocs », une mouvance régulièrement présente dans les manifestations et particulièrement violente. Si chaque association appelle à un rassemblement dans le calme et la fraternité, dans les coulisses, certains craignent aussi des débordements, comme à Gap fin avril où 80 lieux de la ville avaient été tagués.
C. Michard