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Alpes du Sud : les robes noires en colère

JUSTICE / Ils étaient mobilisés ce jeudi contre la réforme de la justice, discutée la semaine prochaine au sein de l'Assemblée Nationale

 

- Alpes du Sud - 

 

Une réforme de la justice dans une logique « purement comptable » : ils étaient une dizaine de robes noires ce jeudi, sur le parvis du Palais de Justice des Hautes-Alpes, et près de 20 à Digne les Bains. Des avocats qui poursuivent leur mobilisation contre la réforme de la justice voulue par le Gouvernement. Une réforme qui sera examinée par les députés à partir de lundi prochain. Le message est très clair : si les avocats sont mobilisés, ce n’est pas pour défendre des intérêts catégoriels, mais bien pour dénoncer ce qu’ils qualifient comme une régression des droits de la défense.

 

Une logique comptable pour les avocats, une hausse du budget pour le Gouvernement

Les robes noires ne veulent entendre les arguments avancés par la Chancellerie. La garde des Sceaux qui, dans sa présentation du budget pour 2019, avançait un budget « pour 2019 au service des priorités du projet de loi de programmation de la justice » avec une hausse de 4,5 %. Une hausse, il est vrai, « mais l’intégralité du budget ne va pas à la justice, mais à l’ensemble des services pénitentiaires », nuance Maître Philippe Lecoyer, bâtonnier de l’Ordre des Avocats des Hautes-Alpes. Le constat reste le même pour lui, « une difficulté au quotidien pour rendre la justice avec des greffiers qui ne sont pas en nombre suffisant, et un nombre de juges manifestement insuffisants ». Et cette réforme de la justice n’ira pas en améliorant le dispositif, « on ne cherche pas à rendre des jugements plus pointus, mais à rendre justice le plus rapidement possible ».

Quant à Maître Pascal Antiq, bâtonnier de l’ordre des avocats des Alpes de Haute-Provence, l’argument est biaisé car il s’agit toujours de faire des économies sur le dos de la justice.

 

Le bâtonnier qui constate également une rapidité de transformation de la justice en France, donnant lieu à des lois et décrets difficilement digérables.

 

« La justice, c’est la rencontre entre un juge et un justiciable, la justice n’est pas simplement quantifiable », Maître P. Lecoyer

 

Les points de crispations sont multiples pour l’ordre des avocats. Selon lui, la réforme entre dans un « schéma de déshumanisation, la rencontre entre le juge et le justiciable n’aura plus lieu », explique le bâtonnier de l’ordre des avocats des Hautes-Alpes. Pourquoi ? « Car des audiences seront évitées ». Notamment celles qui monopolisent le plus les juges, les contentieux liés au droit de la famille, notamment le divorce.

Si dans un premier temps le projet de réforme envisageait de supprimer la conciliation, les avocats ont obtenu gain de cause. Mais désormais, leur inquiétude concerne la révision de la pension alimentaire. Maître Philippe Lecoyer :

Une question de constitutionnalité se pose donc selon les avocats.

 

Une spécialisation des tribunaux rejetée par le Sénat et par les avocats

La réforme prévoit une réorganisation des instances de juridiction, avec notamment la fusion des tribunaux d'instance et de grande instance, ce qui ne concerne pas les Alpes du Sud. Mais c’est la constitution de pôles spécialisés qui inquiète les avocats. Dans les départements comportant plusieurs tribunaux de grande instance, la disposition gouvernementale prévoyait que les chefs de cour puissent proposer de spécialiser des tribunaux de grande instance dans les contentieux techniques de faible volume en matière civile ou pénale, « ce qui pénalise le justiciable qui pourra être amené à se déplacer à Aix-en-Provence notamment », explique Philippe Lecoyer. Une mesure vécue avec beaucoup d’inquiétudes par Pascal Antiq qui craint la disparition de lieux de justice et la dévitalisation des petits tribunaux.

 

Tribunal criminel départemental, une « expérimentation hasardeuse, une Cour d’Assise low cost »

Autre mesure avancée par le Gouvernement, qui n’est pas du goût des robes noires, c’est l’expérimentation dès le 1er janvier prochain des tribunaux criminels départementaux, et pour une durée de trois ans. Des tribunaux qui jugeraient  des crimes passibles de 15 à 20 ans de réclusion criminelle et non commis en récidive, tels que des viols, des vols à main armée ou des coups mortels. Le but recherché est de désengorger les Cours d’Assise et accélérer le traitement des affaires les plus graves. Une cour d’assises low cost pour Maitre Lecoyer, qui supprimerait le principe de l’oralité.

 

C. Michard