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Hautes-Alpes : face à un département allergique aux 80 km/h, il devait convaincre

SÉCURITÉ / Le délégué interministériel de la sécurité routière, Emmanuel Barbe, était en déplacement à Gap ce mercredi pour défendre l'abaissement de la vitesse de 90 à 80 km/h dès le 1er juillet prochain

 

- Hautes-Alpes - 

 

« Je comprends qu’on soit contre l’abaissement de la vitesse à 80 km/h, je ne fais pas de politique » : l’introduction d’Emmanuel Barbe avait vocation à apaiser les esprits dans les Hautes-Alpes, territoire où le Conseil Départemental a voté une motion contre cette décision du Gouvernement, avant que la préfecture ne la retoque, par illégalité. Le délégué interministériel à la sécurité routière était donc en déplacement ce mercredi à Gap, voilà le 28ème département qu’il visite afin de rendre un peu plus digeste cette mesure qui a bien du mal à passer auprès des politiques, comme des associations d’automobilistes et de motards.

 

« Mon seul but : montrer que l’accidentologie est une science et non une vision personnelle », E. Barbe

 

La France, c’est un million de kilomètres de routes « et 500 milliards de kilomètres parcourus chaque année. C’est aussi 70.000 accidents chaque année », explique Emmanuel Barbe. Des accidents qui sont avant tout comportementaux dans les Hautes-Alpes : 25 % pour des défauts de priorité, 25 % pour des défauts de maitrise et 17,5 % pour la vitesse non adaptée. Dans les Alpes de Haute-Provence, l’excès de vitesse apparait par contre comme la cause principale, avec 34 % des accidents. Si le comportement des conducteurs est bien évidemment à prendre en compte, le délégué interministériel à la sécurité routière souligne également la « loi des grands nombres ». Un principe simple : quand on roule plus vite, « on met plus de temps à s’arrêter ». La distance d’arrêt est augmentée de 13 mètres à 90 km/h qu’à 80, et si l’automobiliste qui circule à 80 km/h parvient à stopper son véhicule au bout de 57 mètres de freinage, celui qui percutera l’obstacle devant lui engendrera un choc à 48 km/h.

 

« Il n’y a pas un seul département en France dont le réseau n’est pas accidentogène »

 

Pour convaincre, Emmanuel Barbe était notamment venu avec une série de statistiques, car « c’est sur les belles routes que l’on meurt le plus ». Et pour prouver son raisonnement, le délégué interministériel avance alors un ratio : les artères principales des Hautes-Alpes représentent 19 % des routes du département, mais 66 % de tués. Et si on ajoute aux artères « les veines », c’est-à-dire les routes plus secondaires, « on obtient 84 % de tués. On meurt trois fois plus sur les routes départementales que dans les villes ».

 

Rouler moins vite = moins de mortalité

Le premier argument avancé par Emmanuel Barbe est donc celui d’un nombre de morts qui diminuera. Pour cela, une étude a été menée sur 500 cas d’abaissement de la vitesse dans le monde, soit par des contrôles accrus par des radars, soit par une limitation plus intense, « et à chaque fois, le nombre de morts diminue. Car abaisser environ d’1% la vitesse moyenne conduit à diminuer de 4,6 % la mortalité ».

 

Rouler à 80 km/h ne veut pas dire atteinte à la ruralité

Là où Emmanuel Barbe était attendu au tournant dans un territoire de montagne, c’est bien évidemment la situation d’enclavement accentuée par l’abaissement de la vitesse. « Diminuer la vitesse à 80 km/h empêche de doubler des camions », a notamment renvoyé l’un des interlocuteurs présents à la préfecture ce mercredi. Face à cette interrogation, Emmanuel Barbe a tenu à souligner que « les milieux montagnards conditionnent la circulation, et notamment la diminution de la vitesse. Enfin, je pense que personne ne peut assurer qu’il a toujours doublé en respectant la limitation. Cela se fait bien souvent avec un excès de vitesse ».

 

« Dans une avalanche, aucun flocon de neige ne se sent responsable »

 

Quant à la perte de temps, elle est moindre pour le délégué interministériel, « 50 secondes sur 8 minutes de trajet, 2 minutes sur 18 minutes de trajet, et 3 minutes 20 sur 31 minutes de trajet. Cette petite perte de temps et le sens du civisme », selon lui. Avec cet abaissement, l’automobiliste doit être avant tout pour lui un citoyen, avançant une citation de Voltaire, « dans une avalanche, aucun flocon ne se sent responsable ».  

Emmanuel Barbe, au micro de Cyrielle Michard dans "Au Bout de l'Actu" :