- Alpes de Haute-Provence -
29 mai 2015, plein après-midi rue René Char à Manosque : Andrzej Czerwonka , 47 ans, et Anna Herda, 41 ans, couple polonais domicilié à Riez, perdent la vie sous des coups mortels. Depuis ce mardi, un autre couple de Polonais comparais. Artur P., 44 est poursuivi pour double meurtre, Agnieska W. 54 ans pour non-assistance à personne en danger.
Un témoignage phare : celui d'une femme qui se trouvait à une 15aine de mètres de la scène de violence
Son témoignage était attendu par la Cour et l’audience : celui de cette femme, à l’époque enceinte de 5 mois, qui s’était assise ce jour du 29 mai 2015 à l’ombre d’un platane sur l’esplanade François Mitterrand à Manosque. À la barre, elle affirme ce jeudi matin s’être trouvée à une 15aine de mètres de quatre personnes, dont deux étaient allongées et deux assises. Ces deux dernières, elle l’affirme, ce sont bien les accusés Artur et Agnieska. Son témoignage était fortement attendu car depuis le début des débats, la défense tente de démontrer que l’agression a pu être commise par d’autres individus, comme l’affirme Agnieska. Sauf que le témoin est formel, seul le couple d’accusés était présent lors des faits.
"J'ai entendu un craquement osseux"
Alors qu’elle écoute de la musique en cet après-midi d'été, elle voit un homme au crâne rasé se lever et porter des coups de pied sur une personne allongée, mais la victime au sol ne crie pas ni ne bouge. Elle retire alors ses écouteurs et voit ce même homme porter à nouveau des coups de pied « forts et violents sur le thorax et la tête » de la victime. « J’ai entendu un craquement osseux », explique-t-elle à la Cour. En tant qu’infirmière, elle comprend que les faits sont graves.
Quand l'avocat général corrobore le témoignage par un verre en plastique
Mais cette femme a-t-elle pu percevoir aussi distinctement, à une telle distance, ce son violent ? L’avocat général mène donc un test. Se saisissant d’un verre en plastique, il sort de la salle d’audience, se place à une distance d’une 20aine de mètres, et craque l’ustensile. Le son est bel et bien perceptible, même de l’autre côté de la salle. Un son qui confirme la version des experts ce mercredi, celle de la violence des coups mortels portés par Artur sur ses victimes.
D’autant que le témoignage de cette femme enceinte à l’époque du drame est corroboré par un autre témoin, une femme habitant au 3ème étage dans un immeuble en face de ce fameux parc. Vers 15h15, ce jour là, elle est intriguée par le comportement inhabituel de ses chiens. Elle se dirige alors sur son balcon, se penche et aperçoit une masse blanche au sol. La femme prend alors ses deux chiens et descend : sur ce petit espace vert, il y a le corps d’Andrzej et d’Anna, inertes. Artur, l’homme au crâne rasé, se lève d’un bond, hurle dans une langue étrangère et assène plusieurs coups de pied sur l’une des victimes, sans aucune réaction. Quant à sa compagne, Agnieska, l’accusée décrite comme « la femme au pull rose », elle assiste à la scène qui se déroule à un mètre d’elle, et se cache les yeux.
Ils nient et ne passent pas aux aveux malgré les expertises et témoignages
Le dialogue est très complexe ce judi après-midi, au sein de la Cour. Les accusés, polonais, sont assistés d’un interprète. Agnieska dit avoir trop bu ce 29 mai 2015 pour avoir pu réagir, « je n’ai rien vu et me suis réveillée quand la police est arrivée ». Elle n’a rien vu, pourtant, elle affirme que, quand Artur son compagnon est parti au Monoprix acheter du vin, « trois hommes d’origine maghrébine » se sont approchés des victimes. Si deux ont poursuivi leur route, le troisième a agressé Anna. « Je me suis cachée dans mes mains, j’avais trop bu. Alors je me suis endormie ou j’ai perdu connaissance ».
Des déclarations qui ne manquent pas d’agacer l’avocat de la partie civile, qui rappelle à la quinquagénaire pourquoi elle se retrouve aujourd’hui devant la Cour d’Assises, « parce que vous racontez n’importe quoi ! », lance-t-il. Quant à l’avocat général, lui se demande plutôt si Agnieska ment pour se défendre parce qu’elle se sent menacée ou pour défendre son compagnon.
Quant à Artur, lui explique ne pas se souvenir de cette agression, il ne peut pas savoir, avance-t-il, parce qu’il n’était pas là mais au Monoprix. Pourtant, ses chaussures et son pantalon sont recouverts du sang des victimes. L’accusé explique, froidement, qu’il est passé à côté d’elles et que le sang « coulait comme une fontaine » ce qui a tâché ses affaires. Quant au coup de pied que les témoins lui ont vu donner, « c’était pour les réveiller ».
C. Michard / M. Bonnefoy