Alpes du Sud – Décidé en novembre 2014 et accéléré après les attentats de janvier 2015, c’est en février que le groupe de travail sur la laïcité de l'Association des maires de France (AMF) a présenté le 24 juin les grandes lignes d'un « guide » qui sera publié en septembre.
Financement des associations, crèches, cantines scolaires, encadrement des activités périscolaires et extra-scolaires, activités sportives, neutralité des élus, des personnels communaux et des bâtiments publics, cérémonies républicaines, lieux de culte et de sépulture : l'AMF entend offrir aux maires une « boîte à outils » pour les aider à appréhender les questions de laïcité au quotidien.
Pourquoi ce besoin de guider les maires dans la pratique au quotidien de la laïcité ?
« Nous sommes partis d'un double constat, d'une part, un recul de la laïcité ces dernières années, avec des coups d'épingles qui mis bout à bout donnaient l'impression qu'elle n'était plus la valeur première du pays ; d'autre part, des maires qui sont les premiers garants et les premiers défenseurs du principe de laïcité qui donne cœur à la République mais qui sont confrontés au quotidien aux difficultés de son application », explique André Laignel, premier vice-président délégué de l'AMF.
Règles de « bonne conduite laïque »
Le groupe de travail co-présidé par Patrick Molinoz, maire radical de gauche de Vénarey-les-Laumes (Côte d'Or) et Gilles Platret, maire Les Républicains de Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire) l’annonce, c’est une « boîte à outils » de la laïcité pour informer les maires des règles de « bonne conduite laïque » et les aider ainsi dans l'exercice de leurs responsabilités.
Huit grands thèmes :
Financement des associations : pour des chartes locales de la laïcité
L'AMF entend inciter les communes à élaborer des « chartes locales » intégrant le respect du principe de laïcité et précisant les modalités d’instruction des demandes de subvention par les collectivités. Elle suggère aussi aux communes d'exiger des associations, notamment dans le cadre de conventions d’objectifs et de moyens, qu’elles respectent les principes généraux d’octroi des subventions et, en particulier, qu’elles garantissent que ces subventions ne seront pas utilisées à des fins étrangères à l’intérêt général local qui a justifié leur versement.
Crèches et petite enfance
L’AMF conseille de veiller à ce que la convention d’objectifs et de moyens signée par la collectivité avec la structure stipule des engagements de neutralité et d’égalité dans l’accueil et le traitement des enfants, l’absence de discrimination, la mixité et l’absence de prosélytisme. Autre point souligné par le groupe de travail : accorder une attention au règlement intérieur de la structure privée et à ses prescriptions concernant l’attitude à adopter par ses personnels, avant tout engagement de la commune et, a fortiori, tout versement de subventions.
Cantines scolaires : aux familles de s'adapter aux règles de l'école laïque
Sur la question des cantines scolaires, qui fait souvent l'objet de controverses, l'AMF rappelle que l’obligation alimentaire incombe aux familles et non aux communes. « La restauration scolaire, lorsqu’une commune a fait le choix de la mettre en place, répond aux impératifs suivants : assurer aux enfants de pouvoir manger, et bien manger (d’un point de vue nutritionnel), le midi (…) Il appartient donc aux parents d’inscrire ou non leur(s) enfant(s) à la cantine en ayant connaissance des menus qui y seraient servis et des règles prévues dans le règlement intérieur (…) Les familles doivent s’adapter aux règles de l’école républicaine laïque et non l’inverse. »
L’AMF juge ainsi qu' « il n’est pas acceptable de commander des menus dits confessionnels » et qu'il est « contraire aux règles laïques » de déterminer les menus en fonction de motifs religieux ou philosophiques.
Activités périscolaires et extrascolaires : neutralité et égalité dans l'accueil des enfants
Pour les activités périscolaires et extra-scolaires, qui sont gérées directement par la commune ou l’EPCI, les principes de neutralité et de laïcité doivent s’appliquer « strictement », souligne l'AMF qui propose de prendre les mêmes précautions qu’en matière d’accueil de la petite enfance.
Activités sportives : gare au risque de « communautarisation »
En matière d'activités sportives, l'AMF réitère aux communes les mêmes conseils que ceux régissant leur rapport aux associations. Elle préconise en outre « la reprise d’un travail commun entre l’Etat (ministères des Sports, de l’Education nationale…), les collectivités locales et le mouvement sportif afin d’introduire « davantage de cohérence sur le respect du principe de laïcité ». Elle encourage également les maires à interdire la réservation, pour un motif religieux, de créneaux spécifiques pour l’utilisation des équipements sportifs.
Dans le domaine culturel
l'AMF souhaite mettre en garde les maires contre des risques de contentieux en leur rappelant qu’une commune ne saurait subventionner une manifestation dont le caractère cultuel est affirmé, même si elle est traditionnelle et accompagnée d'actions culturelles ou festives.
Neutralité des élus et des agents publics
« Dans ce cadre, la participation à des cérémonies religieuses, en tant qu’élu, devra se faire dans le strict respect de la neutralité républicaine, c’est-à-dire sans manifestation de sa propre croyance ou non croyance », a souligné Patrick Molinoz. L'AMF estime aussi qu’il serait « inadmissible d’admettre un traitement différencié entre élus, suivant qu’il s’agisse de femmes ou d’hommes, dans l’enceinte des édifices cultuels ».
Au sujet des bâtiments publics, l'AMF réaffirme la nécessité d’appliquer la règle définie à l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 qui proscrit « tout signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit ». Mais elle veut interpeller le ministre de l’Intérieur sur « l’hétérogénéité actuelle des jurisprudences », en particulier concernant l’installation des crèches de Noël en mairie ou dans des bâtiments publics.
Construction de lieux de culte : des évolutions juridiques à prévoir ?
« Le principe de laïcité n’empêche nullement les communes de permettre la construction de lieux de culte », souligne encore l'AMF qui rappelle que leur action est toutefois encadrée. Elle peut ainsi se traduire par la vente de terrains ou de bâtiments, au prix fixé par les Domaines, sauf à constituer une aide déguisée au fonctionnement d’un culte.
L’AMF compte aussi interpeller le ministre de l’Intérieur sur les obligations ou les libertés des communes en matière de mise à disposition de salles communales, dans la mesure où la mise à disposition, à titre gracieux ou payant, de ces salles pour l’exercice d’une activité liée au culte est admise par la jurisprudence du Conseil d’Etat alors qu’elle semble être en contradiction avec le principe selon lequel la République ne subventionne aucun culte.