Votre ville : ST BONNET EN CHAMPSAUR | Changer de ville

TRIBUNE / Henriette Martinez : «Voulons-nous laisser la montagne au loup?»

A quelques heures de la manifestation contre la présence du loup à Gap, Henriette Martinez, Députée des Hautes-Alpes,
Membre du comité national Loup, Présidente du groupe de travail Loup à l’Assemblée Nationale, signe une tribune à découvrir en intégralité.

"Voulons-nous laisser la montagne au loup ?"

 

"Protégé par les dispositions de la Convention de Berne du 19 septembre 1979 et par celles de la directive européenne « Habitats », le loup est réapparu en France en 1992. Après 15 ans de présence, la population de loups s’est développée de telle sorte qu’elle est aujourd’hui jugée comme suffisante par les autorités nationales qui ont déclaré le 5 juin 2009 le loup comme n’étant plus menacé d’extinction en France. Officiellement constituée d'au moins 180 individus répartis en 29 meutes, la population recouvre à l'heure d'aujourd'hui 9 départements.

 

Le retour du loup en France serait – nous dit-on - un signe de la bonne santé des milieux naturels de notre pays mais les éleveurs, dont l'activité traditionnelle s'est structurée et développée en l'absence, depuis près d'un siècle, de tout grand prédateur, ne voient pas les choses tout à fait du même oeil. Depuis les premiers cas de prédation du loup constatés sur les troupeaux domestiques en 1993 et avec l’expansion du territoire occupé par le loup, le bilan s’alourdit chaque année pour les éleveurs atteignant 992 attaques et faisant 3161 victimes en 2009. Et le protocole national qui autorise chaque année le prélèvement de 8 loups est loin de répondre à l’attente de régulation dés lors qu’un seul animal est abattu dans le meilleur des cas. Dans ces conditions, pourquoi ne pas autoriser les chasseurs à réaliser ces prélèvements ?

 

Certes, la mise en place de moyens de protection limite les dégâts sur les troupeaux, mais au prix de modifications importantes dans les pratiques des bergers, faisant passer au deuxième plan tous les autres enjeux de la biodiversité de la montagne. Or, le pâturage en est un facteur essentiel et sa perturbation produit des effets négatifs.

 

Bien mener un troupeau en montagne demande beaucoup de souplesse et de savoir-faire. Il faut ajuster en permanence la conduite au temps qu'il fait, au passage de randonneurs, à la préservation de la faune sauvage, il faut tenir serrées les bêtes sur l'herbe dense et grossière mais les laisser s'étaler sur l'herbe rase et éparse. Il faut répartir les bêtes la nuit sur de multiples points de couchage pour limiter leurs déplacements et les risques d'érosion. Lorsque le berger est obligé de conduire le troupeau toujours serré et de le regrouper toutes les nuits dans un même parc de nuit afin de le protéger du loup, cette gestion fine disparaît. Le berger concentre le troupeau sur les secteurs les moins dangereux où le risque de surpâturage sur un petit nombre de parcs s'accroît augmentant ainsi les risques de pollution par excès d'azote. Pour regrouper les bêtes, les circuits s'allongent, les risques d'érosion s'accroissent, les secteurs éloignés ne peuvent plus être pâturés et s'embroussaillent, les secteurs boisés deviennent dangereux et peuvent être abandonnés, les risques d’avalanche augmentent.


Certains éleveurs ayant signé une mesure agri-environnementale ne peuvent plus appliquer la gestion prévue parce que la protection des animaux passe avant tout. Et c'est ainsi que les  chiens patous, qui pour être efficaces ne doivent pas rester près du berger et ne peuvent donc être contrôlés, aiment chasser et dérangent la faune sauvage, avec une prédation de leur part sur certaines espèces. De plus, la multiplication des chiens de protection rend la montagne beaucoup moins accueillante aux randonneurs et multiplie les frictions entre bergers et éleveurs d'un côté, promeneurs, chasseurs, maires de petites communes rurales de l'autre.

 

Décidément non, la réapparition du loup n’est pas une chance pour la montagne et n'a pas que des effets positifs sur notre environnement !"

Henriette MARTINEZ, Députée des Hautes-Alpes,

Membre du comité national Loup

Présidente du groupe de travail Loup à l’Assemblée Nationale