Hautes-Alpes : le père d'Alexandre Protin se confie dans un livre hommage

SOCIÉTÉ / L'adjudant Alexandre Protin est décédé à l'âge de 33 ans dans la collision de deux hélicoptères au Mali. Il était engagé dans l'opération Barkhane aux côtés du 4ème régiment de chasseurs de Gap. Deux ans après sa mort, son père, Dominique Protin, lui rend hommage dans un livre "Un soir en Afrique"

 

- Hautes-Alpes - 

 

« Ce 26 novembre 2019, ma vie bascule. Elle ne sera plus jamais la même ». Ce matin du 26 novembre, la journée de Dominique Protin commence comme à son habitude. Cet aide-soignant s’apprête à prendre du service dans la clinique privée pour laquelle il travaille, quand on sonne à l’interphone. Ce sont trois militaires du 4ème régiment de chasseurs de Gap qui l’attendent en bas de son domicile d’Aix-en-Provence. Les mots tombent, douloureux, « votre fils Alexandre est décédé hier soir ».

 

Du deuil au protocole militaire

Alexandre Protin était militaire au 4ème RC de Gap. Adjudant, il avait été envoyé en OPEX, en opération extérieure, au Mali. Engagé dans l’opération Barkhane, cet homme de 33 ans était à bord de l’un des deux hélicoptères entrés en collision lors d’une mission contre des troupes djihadistes de l’État islamique. Si la vie de Dominique bascule ce jour de novembre, il touche alors un protocole militaire jusqu’alors inconnu pour lui, « j’ai fait mon service étant jeune, mais c’est bien loin de cet engagement. Mon fils me parlait très peu de son métier, de sa responsabilité ». Il découvre alors qu’il est la personne à prévenir en cas d’accident et a cette lourde tâche de contacter ses proches pour les informer, avant que les médias ne le fassent, du décès d’Alexandre. « On fait les choses de façon mécanique, mais je n’ai pas réussi. Pas réussi à prévenir sa maman, ses sœurs, leur expliquer que leur fils, leur frère est décédé. Ce sont les militaires qui l’ont annoncé à ma place », se souvient Dominique Protin.

© "Un soir en Afrique"

 

Aujourd’hui, il signe le livre « Un soir en Afrique » avec la correspondante de presse Isabelle Averty et les préfaces d’Emmanuel Macron et du colonel Nicolas de Chilly, ancien chef de corps du 4ème régiment de chasseurs. Un livre qu’il veut « en souvenir à Alexandre car je n’ai pas pu faire grand-chose au moment des obsèques ». Au moment des hommages nationaux, il ressent même cette impression qu’on lui « vole » son deuil. « Quand on perd un proche, on veut choisir le cercueil, le capitonnage, s’occuper des obsèques mais tout est organisé par l’armée. C’était frustrant, il me manquait cette partie-là. Avec ce livre, je lui rends ce que je n’ai pas pu lui offrir ».

 

« J’ai attendu sept mois pour avoir les conclusions de l’enquête, ce sont sept mois d’enfer », D. Protin

 

Avec un travail de deuil douloureux à faire pour ce père vient aussi le besoin d’avoir des réponses quant au drame, « sinon je m’écroulais pour ne pas me relever. J’avais eu mon fils deux jours avant au téléphone, deux jours après on m’annonce son décès. On vous rend un cercueil fermé avec une plaque en vous disant ‘c’est votre fils’ ». Il a fallu attendre sept mois pour avoir les conclusions de l’enquête, « sept mois d’enfer ».

 

Comprendre le don de soi ultime

« Comment un jeune de 33 ans avec des projets pleins la tête peut partir à la guerre en prenant le risque de mourir pour la France ? » : une question que Dominique Protin s’est posée à maintes reprises. « N’importe qui peut entrer dans l’armée, mais peu sont ceux qui ont les qualités pour y rester », estime l’auteur. S’il n’a pas toujours compris ce don de soi ultime, pour autant il l’admire, « je n’ai que de la reconnaissance pour ce métier ».

© "Un soir en Afrique"

 

Un métier qu’un autre de ses enfants, Ludivine, exerce également. Lorsqu’elle apprend la mort de son frère au Mali, elle sait aussi qu’elle y sera envoyée dans quelques semaines en mission, « la première chose que je lui ai dite quand elle est venue après la mort d’Alexandre, c’est de quitter l’armée. C’était une erreur, c’est son engagement, leur engagement et j’en suis fier ».

Dans un témoignage d’un parent militaire, Dominique Protin signe un véritable acte d’amour et d’hommage pour son fils. « Un soir en Afrique » est à retrouver aux éditions Konfident. Dominique Protin était l'invité du "8:30" ce mercredi matin, retrouvez son entretien dans son intégralité ici

 

C. Cava Michard