Votre ville : VEYNES | Changer de ville

Hautes-Alpes : la préfecture s’attaque-t-elle aux plus vulnérables des réfugiés ?

SOCIÉTÉ / Nouvelle épisode de retour au pays pour un couple kosovar à Gap, dans des conditions dénoncées par les associations. Mais dont le préfet défend la juste application de la loi.

 

-  Hautes-Alpes -

 

Les associations d’aide aux réfugiés s’alarment « des attaques de la préfecture contre les réfugiés », avec en premier lieu la CIMADE des Hautes-Alpes, par la voix de sa coordinatrice départementale de Marie-Odile Lannoy. Dernier épisode en date, la tentative d’expulsion du couple Avdulla et Anife Rushiti. Deux sexagénaires kosovars, arrêtés par la police aux frontières à Gap le 1er août dernier, et dont le salut de leur départ n’aura tenu qu’a une grève des pilotes à l’aéroport de Paris-Roissy. Mais avant ce départ, la CIMADE dénonce les méthodes de la préfecture.

 

1er août, 9h du matin, la police aux frontières tape à la porte.

Pris en charge par les associations, ils sont logés dans une chambre d’hôtel de Gap. Le couple se voit arrêté par la police aux frontières, « sans avoir seulement le temps de comprendre, de prendre des affaires, pas même les médicaments de l’épouse malade, sans soutien et sans traduction dans leur langue », affirme Marie-Odile Lannoy.

Direction alors l’aéroport de Marseille. Sans papiers, ils ne peuvent plus rester sur le territoire français. Un avion au départ de Roissy doit les transporter à Pristina, capitale du Kosovo, via Munich. Mais leur départ prendra fin au cœur de l’aéroport parisien, la faute à une grève des pilotes. Le préfet des Hautes-Alpes ordonne alors de relâcher le couple. « À 22h30, sans argent, sans nourriture et à 750 km de leur lieu de vie, ils ne devront qu’à un policier compatissant une plaque de chocolat et une chaise pour une nuit d’attente dans l’aérogare », s’indigne Marie-Odile Lannoy.

Retour le lendemain sur Gap, via un trajet sur lignes de la SNCF, où ils trouvent accueil auprès du foyer d’hébergement La Cordée. « Grâce à un inconnu qui leur achète nourriture et des billets de train pour revenir sur Gap », raconte la coordinatrice de la CIMADE.

Depuis, le couple se fait discret, dans la crainte d’une nouvelle reconduite dans leur pays d’origine, et dans l’attente de la décision d’un recours posé devant le tribunal administratif contre la décision du préfet. Une décision difficilement acceptable pour la CIMADE, qui constate que la santé de Madame s’est « beaucoup détérioré ces six derniers mois, à tel point que le médecin de l’Agence Régionale de Santé (ARS) avait donné un avis favorable pour son maintien sur le territoire afin de poursuivre ses soins. »

 

Le préfet s’attaque-t-il aux plus vulnérables des réfugiés ?

Le préfet Philippe Court, de son côté ne retrace pas les faits sous le même angle. « Le couple a fait une demande d’asile en 2013 qui a été refusée par l'Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA), et dont le refus a été confirmé par le tribunal administratif. » Suite à ce refus, la machine administrative s’est mise en route, et en septembre 2015, le préfet prononce une obligation de quitter le territoire français (OQTF). « C’est bien sûr une situation délicate » confie le préfet, « mais la loi dans notre pays est faite ainsi,  lorsque la demande d’asile est refusée, les personnes sont en situation irrégulière, elles doivent donc rejoindre leur pays. »

Quant à l’état de santé de Mme Rushiti, le préfet rappelle que si en 2014 l’ARS lui a délivré  une carte pour étranger malade pour 6 mois, la deuxième demande, datant de 2015, a été refusée par l’Agence.  Un refus contesté par le couple devant le tribunal administratif, qui lui aussi confirmera la position de l’ARS déclarant que  « l’état de santé Mme Rushiti permettait de voyager sans risque. »

Finalement, l’ARS reviendra sur sa décision et autorisera le couple à poursuivre ses démarches médicales sur le territoire français. Épilogue de ce revirement médical, c’est le Ministère de l’intérieur, qui par l’intermédiaire de son médecin référent pour le Kosovo, annonce que « la posologie de Mme Rushiti pouvait être prescrite au Kosovo. » Enfin, le 18 juillet 2016, le préfet proposera une aide au retour au Kosovo, ce que refusera le couple.

 

Les Kosovars ont plus de difficultés à demander l’asile en France ?

Oui, car depuis le 9 octobre 2015, le Kosovo est « un pays sûr ». Le conseil d’administration de l’Office français pour la protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra) a en effet décrété d’inscrire ce pays des Balkans comme « POS », ou pays d’origine sûre. Une décision s’alignant sur la position de l’Allemagne qui avait pris cette même position un mois plus tôt.

Une position contestée par le Conseil d’État qui avait alors souligné, « les violences auxquelles restent exposées certaines catégories de sa population, sans garantie de pouvoir trouver auprès des autorités publiques une protection suffisante. ».