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Tribune : Pour une reconnaissance nationale à tous les acteurs de « l’économie de la vie », par Delphine Bagarry.

Pour rappel, la députée des Alpes de Haute-Provence vient de lancer une consultation locale en parallèle du Ségur de la Santé.

Les primes exceptionnelles aux soignants proposées par le Gouvernement nous poussent à réfléchir. Réfléchir à leur juste répartition, pour la meilleure équité possible, réfléchir aux catégories de personnes qui doivent être concernées, et enfin réfléchir à ce qu’une prime peut signifier en termes de gratification, ou de reconnaissance, à des services rendus. Au final, ces primes semblent davantage diviser les personnes concernées, ainsi que l’ensemble des Français, que les rassembler.

Je rejoins une crainte générale de voir “l’esprit de solidarité né pendant la crise” s’étioler. Il eût en effet été beaucoup plus équitable de proposer une prime équivalente pour tous, au sein d’un même établissement, et même d’un même GHT. Considérant le système hospitalier dans son ensemble et considérant également que même éloignés des malades atteints du Covid‐19 chacun a fourni des efforts, chacun a dû s’adapter à une nouvelle organisation, de nouvelles consignes, de nouveaux horaires quelquefois, et surtout affronter une situation angoissante, car inconnue.

En faisant des différentiations de prime, nous tendons à hiérarchiser les métiers, à hiérarchiser l’utilité de ces métiers, à hiérarchiser les établissements eux‐mêmes. J’ai moi‐même travaillé dans un des hôpitaux de mon département dans l’unité Covid et je peux témoigner que TOUS les services de tout le GHT départemental, du plus gros hôpital aux hôpitaux de proximité, tous se sont réorganisés pour la prise en charge des patients, malades du COVID ou non. La prise de risque et les efforts l’ont été pour tous et toutes. Tous et toutes sont méritantes, tous et toutes ont accompli leur devoir de mission de service public avec courage et abnégation. L’ensemble du système hospitalier a été affecté, a dû répondre à l'urgence et trouver des solutions innovantes.

Différencier les composants de ce système est risqué : chaque maillon de la chaîne a tenu pour résister et l’a ainsi rendu plus forte. En faisant ces différenciations de prime, nous fragilisons un système solidaire qui a prévalu et a prouvé son efficacité

Ajoutons que ces primes sont défiscalisées, donc si elles apportent ponctuellement une reconnaissance financière, celles‐ci n’apportent ni droit social supplémentaire encore moins une reconnaissance statutaire et salariale. Espérons que le Ségur de la santé en cours apporte une vraie réponse, de vraies propositions à la hauteur des attentes des professionnels, à la hauteur de ce que nous leur devons.

Il nous faut, partout en France un renforcement équitable de la chaîne du soin. J’emploie à dessein le terme “soin”, car en cette période si particulière, c’est de soin en général dont nous avons eu besoin. Ceux prodigués par le personnel de santé, certes, mais ceux prodigués également par l’ensemble des françaises et des français qui ont pris soin des autres.

Comme pour les personnels des services hospitaliers, nous ne pouvons pas faire de hiérarchie parmi tous ceux et toutes celles qui se sont engagés pour prendre soin de nous, tous ceux et toutes celles qui appartiennent à ce que Jacques Attali nomme “l’économie de la vie”. Celle qui a démontré durant ces derniers mois son caractère indispensable, vital. Les soignants en font partie bien sûr, hospitaliers et libéraux, comme les agriculteurs, comme les boulangers, les épiciers et autres artisans de bouche, comme les caissiers et caissières des grandes surfaces, comme les éboueurs, comme tous ceux et celles dont l’activité nous est vitale.

Ils sont nombreux et nombreuses à avoir continué à travailler par sens du devoir. Comment aussi ne pas évoquer ici les professionnels de l’aide sociale à l’enfance qui ont continué à s’occuper des enfants confinés dans les maisons d’enfants, les aides à domicile qui ont continué leur soutien aux personnes en perte d’autonomie ? Avaient‐ils vraiment le choix ? Ils et elles ont fait face, ont affronté la crise avec ce sens du devoir et de mission de service public.

Toutes et tous ont été confrontés au virus, dans l’angoisse de l’inconnu. Comme les personnels hospitaliers ils et elles ont dû improviser, s’adapter et parfois, aller travailler avec angoisse. Tous ces professionnels‐là ainsi que les bénévoles restés actifs dans les réseaux solidaires méritent aussi notre reconnaissance, à la sortie de cette crise, comme au quotidien.

Au-delà de ces primes, je souhaite donc nous engager vers une prise en compte plus globale des acteurs de “l’économie de la vie”. Cela nous renvoie à l’éternelle question du nivellement de notre société et des moyens de subsistance justes accordés à chacun. Cette crise peut nous servir à cela, à réfléchir ensemble à la rétribution et à la nécessaire reconnaissance de leur utilité publique pour prendre soin de nous.

Essayons d’imaginer l’ensemble des primes que nous devrions attribuer et qui, pour beaucoup, devraient l’être tous les mois, pour tous ceux et toutes celles qui, tous les jours, portent notre société.

 

Delphine BAGARRY

Députée des Alpes de Haute-Provence