-Alpes de Haute-Provence-
L’enquête après la mort du petit Émile Soleil, disparu le 8 juillet 2023 au Haut-Vernet et dont les ossements ont été retrouvés en mars 2024, a pris un nouveau tournant ce jeudi.
Lors d’une conférence de presse, le procureur d’Aix en Provence, Jean-Luc Blachon, a déclaré que les vêtements et les ossements de l’enfant « ont été transportés et déposés peu de temps avant leur découverte ». Quant au corps, « il ne s’est pas décomposé dans les vêtements retrouvés dans la forêt » et n’a pas « demeuré au même endroit et dans le même biotope au cours du processus de décomposition ». Il n’a pas été enfoui. Enfin, son crâne présente « les stigmates anatomiques évocateurs d’un traumatisme facial violent ».
Si la piste de l’intervention d’un tiers est désormais une probabilité, c’est grâce au travail des experts. Une soixantaine de missions d’expertises ont été ordonnées par les magistrats instructeurs « dans des domaines aussi divers que ceux de la physico-chimie, l’entomologie funéraire, l’anthropologie et l’anatomie crânio-faciale, la pédopsychiatrie, la génétique, la biologie, l’écologie médico-légale et l’analyse médico-légale ». De quels experts parle-t-on ?
L’entomologie médico-légale, l’étude de la faune forensique
Dès la découverte des ossements de l’enfant dans un sentier menant au Haut-Vernet, le secteur avait été gelé afin de mener des fouilles approfondies. Un travail qui a permis aux experts en entomologie médico-légale d’étudier la faune forensique, et notamment d’établir le déplacement des ossements.
Lorsqu’il y a décès, des insectes nécrophages, « des mouches » viennent pondre des œufs sur le corps. Ces œufs se transforment en larves puis en pupes, « une sorte de chrysalide qui se rigidifie et reste sur les vêtements du corps ou sous le cadavre », explique Sébastien Aguilard, policier scientifique et porte-parole du syndicat SNIPAT sur Alpes 1. Une fois que la larve devient mouche, la pupe se casse et la mouche sort, « les entomologistes recherchent des pupes vides qui permettent de donner une localisation de l’emplacement du corps », poursuit l’expert.
Dès la découverte des ossements de l’enfant, quelques centimètres de terre ont été récupérés sous le squelette afin d’examiner si elle contenait des pupes vides. « Logiquement, s’il n’y en a pas, c’est que le corps n’était pas à cet endroit précis, c’est donc qu’il y a eu un déplacement », explique Sébastien Aguilard, qui se montre toutefois prudent dans les conclusions, car si la piste de l’intervention d’une tierce personne semble privilégiée, les os ont aussi pu être amenés sur place par la configuration des lieux ou par des petits rongeurs ou mammifères.
Les expertises du crâne indiquent les « stigmates anatomiques évocateurs d’un traumatisme facial violent »
Si le procureur évoque désormais la probabilité de l’intervention d’un tiers dans la mort d’Emile, les experts notamment en anthropologie, en anatomie crânio-faciale et en analyse médico-légale devront se prononcer sur un point : « savoir si la lésion est ante mortem ou post mortem, c’est-à-dire si l’enfant était vivant ou mort quand il y a eu le coup au niveau de la tête », poursuit Sébastien Aguilard.
Une question à laquelle n’a pas répondu le procureur, qui n’a voulu écarter ce jeudi aucune des deux hypothèses entre le meurtre ou la chute.
Les vêtements passés également à la loupe
Dans ses déclarations, le procureur Jean-Luc Blachon déclare que les vêtements ont été déposés « peu de temps avant leur découverte ». L’analyse des fibres, par la physico-chimie, permet de l’affirmer. « Ce domaine permet d’analyser la dégradation des fibres en milieu extérieur, par l’environnement, la chaleur ou le soleil. Les experts de l’IRCGN travaillent dessus pour montrer que la dégradation ne correspond pas à celle d’un corps retrouvé huit mois après la disparition », explique le policier scientifique.
L’écologie médico-légale a aussi servi à établir ces conclusions, « c’est la flore forensique, c’est-à-dire l’analyse des terres et des pollens. Si vous retrouvez un corps à un endroit précis, il faut regarder si cela correspond aux pollens des espèces végétales alentours », ajoute Sébastien Aguilard.
Ossements rendus, le travail des experts peut-il à nouveau être sollicité ?
Selon Sébastien Aguilard, toutes les expertises sur le squelette et les vêtements ont été faites, « les seuls éléments sur lesquels les enquêteurs peuvent travailler sont la téléphonie et les traces numériques ».
"Je pense qu’ils ont récupéré les téléphones portables des quatre gardés à vue [les grands-parents ainsi que l’oncle et la tante -ndlr]"
« Les enquêteurs ont fait une recherche : vérifier potentiellement des photos, des données de géolocalisation, des échanges de messages, les réseaux sociaux, les comptes cryptés comme WhatsApp, les historiques de navigation. Des recherches peuvent être faites rapidement, d’autres sont plus longues et durent plusieurs jours ou plusieurs semaines ».
C. Cava Michard