-Alpes de Haute-Provence-
Hôpital de Digne les Bains : c’est un rapport inquiétant publié par la Chambre Régionale des Comptes ce mercredi. Elle a passé au crible les exercices de l’établissement depuis 2018. Conclusion : la situation financière du centre hospitalier est « alarmante ». De quoi rajouter une crise à la crise connue cet été avec des jours de régulation mis en place aux urgences, une grève du personnel et un arrêté de mise en demeure de l’État par la maire de Digne les Bains, Patricia Granet-Brunello.
La situation sanitaire des Alpes de Haute-Provence en état d'urgence
La place du centre hospitalier de Digne les Bains dans le paysage sanitaire des Alpes de Haute-Provence est centrale. C’est d’abord l’établissement support du Groupement Hospitalier de Territoire. D’autre part, il possède une capacité de 467 lits, ce qui en fait l’un des principaux établissements de santé du territoire bas-alpin. Enfin, il est le seul à exercer l’activité de psychiatrie.
Un rôle pivot qui pourrait être amplifié dans un contexte sanitaire désastreux sur le territoire : la densité médicale est deux fois inférieure à la moyenne régionale (52,1 médecins pour 100.000 habitants contre 120,5 au niveau régional), la démographie médicale est défavorable avec près de deux médecins généralistes libéraux sur trois âgés de 55 ans ou plus et des spécialistes libéraux dont le nombre a baissé de quasiment 21 % en dix ans. Quant à l’offre paramédicale, comme les infirmiers, les kinés, les orthophonistes, les sages-femmes ou les pharmacies, le niveau est inférieur à la moyenne régionale. Une situation qui a poussé en 2022 l’Agence Régionale de Santé a classé toutes les communes bas-alpines prioritaires.
Un hôpital avec un "manque de pilotage"
Pourtant, dans son rapport, la Chambre Régionale des Comptes peine à faire sortir les éléments positifs du centre hospitalier de Digne les Bains. D’abord, la direction qualifiée « d’instable ». Des postes où le turn over est vertigineux : trois directeurs délégués du site se sont succédés en 2018, quatre directeurs de soins, trois directeurs des soins aux instituts, deux directeurs des affaires financières, trois directeurs des ressources humaines en deux ans, quatre directeurs des affaires économiques « dont la durée moyenne n’a pas excédé un an ».
Y a-t-il un pilote dans l’avion ? Pas vraiment. La CRC estime que l’hôpital souffre « d’une défaillance de la gouvernance et d’un manque de pilotage ». En effet, depuis 20 ans, le centre hospitalier ne dispose d’aucun projet d’établissement, document pourtant surtout obligatoire, c’est en quelque sorte la feuille de route pour 5 ans.
Pas de projet médical non plus pour les activités de médecine, chirurgie et obstétrique. Pas de projet social ou encore de projet de prise en charge des patients. Pas de contrats de pôles, une recommandation « déjà formulée dans le précédent rapport de la chambre ». La situation se révèle être aussi « irrégulière sur le plan du droit ».
Une activité globalement en baisse avec des services juste au-dessus du seuil de fermeture
L’activité de chirurgie ambulatoire est « déclinante » avec un indicateur de performance dans les pires de France : Digne les bains est 888ème sur 919.
Les consultations externes, pour des disciplines comme la cardiologie, la dermatologie, la gastro-entérologie, la neurologie ou la pneumologie, sont en baisse de 25 % ce qui se traduit par une baisse sur le plan financier de 35 %.
L’activité de réanimation a aussi diminué. Double peine : elle coûte de plus en plus chère et fait face à un manque de médecins. L’effectif est passé en 2024 de 8,24 équivalents temps plein à 6, « insuffisant pour assurer la sécurisation du fonctionnement du service ».
Quant à la maternité, on frôle le seuil de fermeture situé à moins de 300 naissances par an : 336 mamans accouchent en moyenne chaque année à Digne les Bains, c’est le chiffre le plus faible de la région. Il baisse de 13 % et les projections démographiques ne sont guère rassurantes.
Quant aux indicateurs de performance pour la médecine, la chirurgie et l’obstétrique, basés sur le taux d’occupation et la durée moyenne de séjour, ils sont faibles, « préoccupants » et « insuffisants ». Pour la Chambre Régionale des Comptes, les conséquences de la crise COVID « ne peuvent à elles seules justifier un si faible niveau ».
Enfin, si le centre hospitalier de Digne les bains est le seul établissement de santé des Alpes de Haute-Provence à proposer une offre de soins en psychiatrie générale et infanto-juvénile, là aussi l’activité est en baisse. Le fonctionnement des services subit un turn over du personnel important : les cadres de santé changent par exemple tous les deux ans. Le personnel est en « souffrance », il évoque une « maltraitance institutionnelle » et « une perte de chances pour les patients dont les temps d’hospitalisations se rallongent et ne permettent pas une amélioration de leur état de santé ». Par comparaison : les patients hospitalisés en psychiatrie à Digne les Bains y restent 56 jours contre 34 à Laragne-Montéglin et 18 à Briançon.
"La situation financière de l’établissement est alarmante et nécessite un soutien important de l’Agence Régionale de Santé. Les plans de redressement et de restructurations successifs n’ont pas eu les effets escomptés. Le centre hospitalier n’est pas en mesure d’assurer les investissements pourtant nécessaires", Chambre Régionale des Comptes
Si le centre hospitalier de Digne les Bains avait prévu de construire un bâtiment neuf et d’étendre les deux unités d’entrée en psychiatrie, il a fallu faire marche arrière. Seul le bâtiment a été construit, l’hôpital n’a pas les reins assez solides pour assumer le projet, il est « totalement dépendant du soutien de l’ARS ».
Sa situation financière se dégrade depuis 2018 pointe le rapport. Elle s’est amplifiée avec le poids des charges du personnel dont les revalorisations du Ségur. Une situation « alarmante » pour la CRC, puisque l’hôpital de Digne les Bains est en insuffisance d’autofinancement. Il doit même emprunter à nouveau pour financer sa dette. Une situation qui concerne 31% des hôpitaux publics en France.
C. Cava Michard
