Forcené, retranché, rétentions familiales... ce gendarme fait partie des négociateurs régionaux

Forcené, retranché, rétentions familiales... ce gendarme fait partie des négociateurs régionaux

SÉCURITÉ / L'adjudant Lionel Delille est commandant de la gendarmerie d'Aspres sur Buëch mais depuis 2013, il fait partie de la vingtaine de négociateurs que la région Provence-Alpes-Côte d'Azur peut déployer. "Mon pire scénario ? Perdre quelqu'un, ça ne m'est jamais arrivé". Portrait

 

-Alpes du Sud-

L’adjudant Lionel Delille est commandant de la gendarmerie d’Aspres sur Buëch. Mais dans sa carrière, il a décidé, en 2013 d’ajouter une « spécificité », et pas des moindres. Il fait partie de la 20aine de négociateurs que l’on recense en région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Ils sont deux dans les Alpes du Sud, lui dans les Hautes-Alpes et une autre gendarme, à Digne les Bains. 

 

« En général, ce sont des gens qui dégoupillent, parfois sur un motif qui peut nous sembler futile mais qui, pour eux, est important »


Des gens qui dégoupillent émotionnellement et qui se mettent eux et parfois d'autres personnes en danger : depuis 2013, l'adjudant Lionel Delille intervient pour des crises suicidaires, des rétentions familiales, des personnes retranchées ou encore des forcenés. Il est négociateur régional formé par le GIGN, « il faut être calme, avoir un peu de sang-froid. On parle aussi beaucoup d’empathie : la faculté de se mettre à la place de l’autre. Pas de la sympathie, nous ne sommes pas là pour pleurer avec la personne mais pour comprendre pourquoi cette personne pleure et l’aider à redescendre en intensité ».

© Facebook Gendarmerie Nationale

 

Sur le terrain, ils interviennent en binôme de négociation. Et c’est un lien de confiance qui doit se tisser avec la personne en crise, à l’autre bout du fil, « j’essaie de connaitre un maximum mon interlocuteur pour pouvoir utiliser les bons mots ». 

 

« On ne ment pas »

 

« On ne trahit pas, on explique les choses aux gens : que la situation est compliquée, qu’il y a des gendarmes, des gens qui ont des fusils d’assaut, des casques, des gilets lourds. Qu’ils vont sûrement se faire interpellé à l'issue et placé en garde à vue. Ce sont des choses qu'il faut qu'ils intègrent pour qu’ils fassent un peu de projection ».

Un climat de confiance qui ne peut se briser, le négociateur doit donc tenir dans la durée, « les négociations peuvent durer des nuits entières, mais parfois plusieurs jours ». 

 

Le pire scénario : perdre quelqu'un

Le négociateur est là pour apaiser, trouver des « soluces » comme le dit l’adjudant Delille, mais parfois il ne peut y en avoir ce qui conduit au scénario le plus redouté, « perdre quelqu’un.  Malheureusement, parfois, les personnes en crise suicidaire sont déterminées, cristallisées sur leur idée. Elles ne veulent plus souffrir donc c’est la solution. C’est compliqué pour mes camarades qui l’ont déjà vécu. J’espère ne jamais le vivre ».

Quant à une intervention qui vient immédiatement en tête au négociateur, une négociation dans le Vaucluse avec un forcené  retranché chez lui, armé, après avoir menacé les pompiers. Premier appel : l’adjudant n’a alors pas en sa possession les bonnes informations de la part de la famille, « immédiatement, on se regarde avec ma collège et on comprend que nous ne sommes pas partis sur le bon braquet ».

 

« C’était 47 minutes intenses »


Au final, l’adjudant parviendra à une reddition propre, avec un individu qui rend son arme sans violences, « c'est gratifiant d'avoir une reddition comme cela ». 

Formation d'élus haut-alpins par une négociatrice © Gendarmerie des Hautes-Alpes

 

Laisser le bagage émotionnel au pas de la porte

Malgré le bagage de négociateur que Lionel Delille possède, il a aussi un autre bagage qu’il conseille de laisser au pas de la porte, de retour à la maison, « le bagage émotionnel. On accumule pas mal de choses, mais à la maison, on se doit d’avoir le smile ».

À ce sujet, l'adjudant le concède bien volontiers de ces négociations qu’il échoue malgré tout, « celles avec mes filles, c’est un autre métier que d’être papa ! ». 

Retrouvez en intégralité l'entretien avec l'adjudant Lionel Delille : L'invité du 8:30 : l'adjudant Lionel Delille, négociateur régional pour la gendarmerie nationale

 

C. Cava Michard