Alpes du Sud : lunettes de tir à visée nocturne pour le loup, quand le Gouvernement dit "oui", la loi dit "non"

PASTORALISME / Voilà là un paradoxe... si la députée LREM des Hautes-Alpes, Pascale Boyer, explique aux lieutenants de louveterie qu'ils peuvent prélever le loup avec des lunettes de tir à visée thermique. Sauf que... leur usage est interdit en France

 

- Hautes-Alpes - 

 

 

Pastoralisme : le paradoxe de l’équipement des lieutenants de louveterie revient sur le devant de l’actualité. Un sujet qui promet de longues discussions depuis les dernières attaques de loup à Réotier et La Bréole. Alors que le Conseil Départemental des Hautes-Alpes demande au Gouvernement un arrêté ministériel « d’urgence » pour que les lieutenants de louveterie puissent être autorisés à utiliser des lunettes de tir à visée nocturne, la députée des Hautes-Alpes Pascale Boyer soutient qu’elles sont autorisées. Les 41 lieutenants de louveterie des Alpes du Sud peuvent-ils se munir de ce type d’équipements ? Oui… et non.

 

Oui ?

Pascale Boyer, également membre du Groupe National Loup, le soutient : « les lieutenants de louveterie peuvent s’équiper de certaines lunettes thermiques à condition de suivre une formation auprès de l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage ». La Parlementaire s’appuie sur l’article 12 de l’arrêté interministériel du 19 février 2018, signé par les Ministres de l’Agriculture et de la Transition Écologique, Stéphane Travert et à l’époque Nicolas Hulot. Que dit cet arrêté ? « L’utilisation de lunettes de tir à visée thermique sera réservée aux seuls lieutenants de louveterie et agents de l’ONCFS ».

 

Paradoxe : le Gouvernement dit « oui » à l’utilisation, la loi répond « non »

Pascale Boyer a donc raison, sauf que la députée omet plusieurs points dans son constat : les groupements de louveterie dans les Alpes du Sud ne possède… aucune lunette de tir à visée thermique. Et pour cause : elles sont toujours interdites, car classées A 2, « c’est-à-dire matériel de guerre », explique. Daniel Truphème, président du groupement de lieutenants de louveterie des Hautes-Alpes qui compte 20 effectifs. Un paradoxe donc, doublé d’une impossibilité… celle d’acquérir, si tant est que ce soit possible, ce matériel coûteux.

 

Qui peut financer l’acquisition ? Pas de réponses à cette heure

Les lieutenants de louveterie « sont bénévoles » rappelle Gérard Autric, président du Groupement dans les Alpes de Haute-Provence qui compte 21 lieutenants dans ses rangs. Seuls les frais de carburant lors de missions sont remboursés. Ce ne sont donc pas eux qui pourront financer cette acquisition. Les Départements, les fédérations de chasse voire les communes et intercommunalités peuvent venir en aide.

Mais les regards se tournent particulièrement vers la Région, qui porte la compétence ruralité et pastoralisme. Une délégation par ailleurs entre les mains de l’élue régionale des Alpes de Haute-Provence, Eliane Bareille. L’hémicycle marseillais qui peut épauler l’investissement des lieutenants. Selon les responsables des groupements, on parle d’une enveloppe de 10.000 euros par département, sauf que… l’enveloppe de 2018 n’est toujours pas arrivée. « Des promesses », ajoute Gérard Autric.

 

L’inégalité territoriale des lieutenants de louveterie

Dans les Hautes-Alpes, nombreuses sont les actions de soutien aux lieutenants de louveterie. Que ce soit le Département, les intercommunalités voire même l’État, du matériel est acquis et mis à disposition. Ainsi, ce sont une 10aine de caméras thermiques qui sont en fonctionnement. Mais les Alpes de Haute-Provence semblent être le parent pauvre avec quatre caméras thermiques mises à disposition par la Direction Départementale des Territoires, et une prêtée par l’ONCFS. Ah si… « nous avons reçu une veste, un pantalon et deux T-shirts », ironise Gérard Autric.

 

C. Michard