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Hautes-Alpes : migrants, l’évêque de Gap et d’Embrun lance un appel à l’aide

TRIBUNE / Alpes 1 ouvre sa Tribune aux élus et acteurs socio-économiques des Alpes du Sud. Aujourd’hui, Monseigneur Xavier Malle prend la parole dans une tribune, après les événements qui ont émaillé les Hautes-Alpes le week-end dernier

 

- Hautes-Alpes - 

 

Déjà sur Alpes 1, il regrettait que le débat sur les migrants dans les Hautes-Alpes ne trouve plus rapidement le chemin de la torélance, « les gens refusent de travailler ensemble, il faut que l’on s’écoute. Il ne faut pas laisser les Hautes-Alpes seules ». Désormais, l’évêque de Gap et d’Embrun lance un véritable appel au secours dans une tribune. Après la mobilisation au Col de l’Échelle de Génération Identitaire, puis la marche de Montgenèvre à Briançon des antifascistes, précédée par une mobilisation qui a dégénéré samedi dernier à Gap lors du « carnaval solidaire », Monseigneur Xavier Malle regrette que « nos montagnes » ne deviennent « un terrain de jeu politique où pourraient s’affronter des personnes, d’un bord comme de l’autre, instrumentalisant les migrants ». Une crainte partagée par Joël Giraud, le député LREM des Hautes-Alpes, craignant également que les migrants ne deviennent un instrument politique à droite comme à gauche.

Pour l’évêque, la théorie de « l’appel d’air » avancée par certains élus politiques de droite n’est pas plausible, « que fait-on en Europe pour aider l’Italie ? ».

 

« Nous avons besoin de l’aide de la communauté nationale », Monseigneur Xavier Malle

 

« Trois actions presque concomitantes se sont déroulées dans les Hautes-Alpes. Samedi 21 avril, au col de l'Echelle, un groupe anti-migrants simulait une frontière, tandis qu’au même moment, à Gap, un groupe altermondialiste demandait la suppression des frontières. Le lendemain, en réaction au premier, un troisième groupe faisait passer par force la frontière à des migrants. Comme évêque du diocèse de Gap et d'Embrun dans les Hautes-Alpes, j'estime que nos montagnes ne sont pas un terrain de jeu politique où pourraient librement s’affronter des personnes, d’un bord comme de l’autre, instrumentalisant les migrants. La situation étant assez compliquée, nous n’en avons vraiment pas besoin.

En revanche, nous avons besoin de l’aide de la communauté nationale. Si, en 2016, les Hautes-Alpes ont accueilli 60 mineurs non accompagnés, ils étaient plus de 1 200 en 2017. Nous sommes le premier département en accueil de mineurs par habitant. Après une période de flottement et finalement avec persévérance, le conseil départemental et l’Etat ont pris leur responsabilité, pour la mise à l’abri des mineurs, comme l’impose, à juste titre, notre droit. Les paroissiens de Gap et de Briançon se sont également mobilisés, répondant à l’appel du pape François.

Ainsi, pendant quatre mois, d'août à novembre, jusqu'à 60 mineurs ont été accueillis pour la nuit dans les salles paroissiales à Gap. La préfecture ayant réussi à trouver des solutions pour les nuits, le Secours catholique fait depuis un accueil de jour. Dans tous les cas, cet accueil est réalisé avec l’aide de nombreux bénévoles d’autres associations ou d’individuels. Que chacun soit remercié.

 

"Il nous faut préparer l'intégration dans notre société de ces mineurs"

Mais, d’une part, la situation se tend à nouveau avec la fin de l’hiver et, d’autre part, les bénévoles sont épuisés. J’en appelle donc à la solidarité nationale. Aidez-nous, aidez le Secours catholique, aidez le département des Hautes-Alpes qui ne compte que 140 000 habitants à l’année dans ses magnifiques vallées. Aidez-nous à créer les structures durables pour l’accueil des mineurs non accompagnés. J’en appelle aussi au travail collaboratif entre tous les acteurs du terrain, dont le Secours catholique et les paroisses, dans un dialogue renouvelé avec l’Etat.

D’autant qu’il nous faut passer à une seconde phase. Tout en continuant l'accueil d’urgence, il nous faut préparer l'intégration dans notre société de ces mineurs, dont la plupart vont rester en France. Cela passe par la culture, la littérature, la langue ; tout ce qui fait notre civilisation, avec ses racines chrétiennes et la présence de toutes les religions, dans le cadre des valeurs partagées de notre pays. A terme, c’est l'unité, la cohésion de la France qui est en jeu. Ne croyons pas que cette 'crise migratoire' soit passagère. Elle est mondiale et durable, aussi bien en Amérique latine qu’en Asie et en Europe.

Je n'ai pas la solution ; alors quelle est ma mission d’évêque ? Elle me semble de proposer des critères de discernement et de confirmer les chrétiens dans leur mission. Le principal critère pour un chrétien est de suivre ce qu'a dit et ce qu'a fait Jésus, le fils de Dieu. L'évangéliste Matthieu le rapporte ainsi au chapitre 25 de son évangile :

"Le roi dira à ceux qui seront à sa droite : 'Venez, les bénis de mon père, recevez en héritage le royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde. Car j'avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j'avais soif, et vous m'avez donné à boire ; j'étais un étranger, et vous m'avez accueilli ; j'étais nu, et vous m'avez habillé ; j'étais malade, et vous m'avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi !' Alors les justes lui répondront : 'Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu... ? Tu avais donc faim, et nous t'avons nourri ? Tu avais soif, et nous t’avons donné à boire ? Tu étais un étranger, et nous t’avons accueilli ? Tu étais nu, et nous t’avons habillé ? Tu étais malade ou en prison... Quand sommes-nous venus jusqu’à toi ?' Et le roi leur répondra : 'Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait.'"

En servant ces mineurs non accompagnés, c'est Jésus que nous servons.

 

"Défendre les plus fragiles, tous les plus fragiles"

Depuis le mois d’août, j'entends beaucoup d'idées reçues auxquelles mon expérience permet maintenant de répondre :

 

• On créerait un appel d'air en donnant à manger aux migrants et en leur proposant un matelas. En vérité, ils sont là, nombreux, de l'autre côté des Alpes. Que fait-on en Europe pour aider l’Italie ?

• On pourrait distinguer migrants économiques et réfugiés politiques, les premiers n’ayant pas vocation à rester sur le territoire national. Cette distinction est de plus en plus floue. C'est bien en grande partie pour des raisons politiques que les conditions de vie sont déplorables dans leurs pays. Que fait-on pour aider à la bonne gouvernance et au développement des pays d’origine ?

• On favoriserait la délinquance et le chômage. Mais il n'y a aucune délinquance de la part des mineurs migrants que l'on accueille dans les paroisses et au Secours catholique à Gap et à Briançon. Ils ont tellement souffert qu'ils sont des mineurs mûrs et responsables. Et ils n'ont pas l’âge de travailler, mais d'aller au lycée. Pourquoi ne peut-on les prendre au lycée dès leur arrivée, même pour peu de temps ?

 On ne s’occuperait pas de la misère des gens chez nous en s’occupant des migrants. Je peux vous dire que les actions du Secours catholique et des autres associations envers les personnes qui ont besoin d’aide dans les Hautes-Alpes n’ont en rien diminué. Qui est prêt à venir donner un coup de main au Secours catholique ?

• On s'occuperait des migrants et pas des autres questions de la doctrine sociale de l’Église. C'est ma joie d'être évêque de l’Eglise catholique qui défend les plus fragiles, migrants et réfugiés, malades en fin de vie, enfants à naître. Essayons d’être cohérents. Qui est prêt à défendre à la fois le migrant et l’enfant à naître ?

Pour conclure, je citerai la lettre encyclique du pape Benoît XVI (Caritas in veritate, 2009): "Il faut qu'il y ait un renouveau de la pensée pour mieux comprendre ce qu'implique le fait que nous formons une famille."