Hautes-Alpes : la politique et les dessous d’une manifestation, historique, pour les agriculteurs

POLITIQUE / Quatre jours de conflit, devant la préfecture des Hautes-Alpes, et des agriculteurs pris entre différentes postures politiques qui auront fini pour certains par porter leurs fruits. Et dans ces actions, les plus visibles n’auront pas été les plus efficaces. Décryptage des coulisses d’une négociation entre syndicat et État.


- Hautes-Alpes –

La préfecture des Hautes-Alpes à Gap a connu la semaine dernière une manifestation d’une ampleur qui restera dans les mémoires des Alpes du Sud. Car outre la présence massive d’agriculteurs et d’éleveurs des Hautes-Alpes, certains étaient venus depuis Digne-les-Bains se joindre aux revendications liées au loup, et aux difficultés de vivre de son travail.


Une « ferme du désespoir » et un « mur de la colère »

Une manifestation placée par les organisateurs, les syndicats de la FDSEA et Jeunes Agriculteurs (JA), sous le signe de la fermeté, avec un nom : « la ferme du désespoir » et un symbole fort, celui du montage du « mur de la colère». Un mur et une volonté : avoir, au-delà des réponses habituelles, des engagements forts notamment sur de nouvelles actions contre le loup.



Des CRS, et une résistance agricole

L’utilité de l’intervention des CRS a beaucoup fait parler : fallait-il, au nom de la sécurité et du respect de l’institution, faire intervenir les forces de l’ordre afin de démonter un mur symbolisant la colère des agriculteurs ? Selon nos informations, l’ordre d’intervenir n’est pas venu du préfet des Hautes-Alpes lui-même mais directement du Ministère de l’intérieur, qui aurait, dans son choix surévaluer la situation sur place.


Toujours selon nos informations, Pierre Besnard était opposé à toute intervention, afin de ne pas faire monter la tension entre les manifestants et l’État et poursuivre des discussions qui ne lui étaient pas acquises. Une intervention qui se déroula au final dans le calme, mais avec tout de même quelques gaz lacrymogènes, condamnés par le CPNT (Chasse, Pêche, Nature et Traditions) dénonçant « la désolante opération musclée pour déloger les agriculteurs de leur ferme du désespoir ». Mais une situation qui a permis à quelques élus bariolés de leurs écharpes tricolore d’essayer de rejouer leurs jeunesses étudiantes face aux forces de l’ordre devant des journalistes peu dupes du spectacle.

 

Des élus et des résultats … mais pas pour tous

On se demande souvent durant les manifestations et à l’issu des négociations, que font les politiques pour venir en aide aux manifestants, en étant force de proposition et de persuasion auprès des instances et des ministères dont ils auraient l’écoute.

Alors à chacun sa méthode : il y a ceux à droite en campagne pour les régionales contre la gauche, qui descendent dans les rues aux côtés des manifestants profitant d’un instant d’exposition à peu de frais, afin de rappeler que la majorité ne ferait pas son travail.

Et puis il y a les coulisses, moins visibles. Qui a décroché son téléphone pour faire appel aux forces vives de la gauche afin de débloquer la situation, et répondre aux demandes des syndicats agricoles d’avoir un autre interlocuteur que le préfet Pierre Besnard ?


Pas d’union Trans-partisane

L’union sacrée entre les partis n’a pas eu lieu dans ce dossier au contraire du tunnel du Chambon. La droite a joué son rôle d’opposition sans jamais faire appel aux parlementaires de gauche et en jouant la carte de la rue et de l’occupation de terrain.

À gauche chacun a pris sa part. Selon nos informations, le député PRG des Hautes-Alpes, Joël Giraud, appuyé du député PS des Alpes de Haute-Provence, président de la commission nationale loup, Christophe Castaner ont fait appel à leur soutien au Ministère de l’Écologie pour que Ségolène Royal réponde favorablement aux attentes des agriculteurs.

De son côté Karine Berger, députée PS des Hautes-Alpes, a contacté le président de la FDSEA, René Laurens, se portant également volontaire pour mettre son carnet d’adresse à profit, une proposition restée sans réponse.

Une fois les parlementaires entrés en action pour donner l’alerte, ce sont alors les chefs de cabinet des différents ministères et de la présidence qui sont entrés en scène. Selon nos sources, le chef de cabinet adjoint à la présidence de la République, Christophe Pierrel, aurait su jouer de sa proximité avec François Hollande, de sa connaissance du territoire et de ses relais syndicaux agricoles pour mettre en place le processus, à savoir une visio-conférence avec le préfet coordonnateur du dossier, comme demandé par les syndicats. Doublé de l’appel de la ministre de l’écologie lors de cette même réunion.

Conclusion de ces manœuvres, la FDSEA et les Jeunes Agriculteurs (JA) sortiront de la réunion soulagés et entendus, avec des « avancées jamais obtenues en 20 ans de lutte », selon René Laurens. Sans aucune déclaration de la droite quant à l’issue de cette manifestation record.