- Alpes de Haute-Provence -
« Parce que rien n’est jamais perdu » : voilà le mot d’ordre de ce service de quelques m², implanté au sein du lycée Martin Brêt à Manosque. La MLDS, pour Mission de Lutte contre le Décrochage Scolaire. Une mission de l’éducation nationale avec un constat chiffré : en 2010, 140.000 jeunes sortaient du système scolaire sans diplôme. Ils étaient 80.000 en 2017. « Il y a des progrès faits », explique Céline Gervasi, coordonnatrice à la MLDS dans les Alpes de Haute-Provence.
Le décrochage scolaire : un phénomène multifactoriel
Cette année, son service a reçu 102 jeunes aux différents profils. 65 ont été pris en charge soit à Digne les Bains, soit à Manosque au sein du MODAC, le Module d’Accueil et d’Accompagnement pour les primo-arrivants, des jeunes venus d’autres pays, qui ont été scolarisés mais qui ne parlent pas ou peu français. Et le DAQ, le Dispositif d’Accompagnement vers la Qualification. « Ce sont des jeunes entre 16 et 25 ans qui ont quitté le système scolaire français sans diplôme de niveau 4, c’est-à-dire CAP ou BAC Pro. La MLDS est une solution, poursuit la responsable, il y a les démotivés qui ne viennent plus en cours. Il y a aussi ceux qui sont là mais dont les résultats ne suivent pas. On appelle ça les présents absents ».
Un décrochage scolaire multifactoriel, avec des causes qui peuvent être économiques, sociales, familiales « et il faut aussi se l’avouer : les établissements scolaires. L’institution provoque aussi du décrochage », regrette Céline Gervasi. Des élèves qui ont été décrocheurs, « ils ont une étiquette quand ils arrivent vers nous ». Une étiquette qu’il faut quotidiennement déconstruire.
« Ce sont des jeunes meurtris par leur scolarité, en grande souffrance », Anny Sube
Anny Sube est formatrice MLDSet coordonnatrice du DAQ et du MODAC à Manosque. Des dispositifs qui se fixent trois objectifs : travailler sur les savoirs et le savoir-faire pour acquérir des compétences scolaires et disciplinaires, le projet professionnel pour parvenir à un diplôme et le savoir-être pour obtenir des compétences sociales et civiques. « C’est leur redonner le goût de l’effort, retrouver un rythme scolaire, se lever le matin », explique la professionnelle. Elle a quotidiennement face à elle des jeunes meurtris, « ils sont en grande souffrance, c’est vraiment un effort pour eux que de revenir au lycée ». Et ils reviennent malgré l’effort, « et on arrive en fin d’année avec des jeunes qui ont un sentiment d’appartenance à un groupe ».
Quand l’humain est la matière première
Françoise Ballestra intervient dans le savoir-être : elle est enseignante en communication professionnelle au sein de la MLDS. « Pour nous, ce sont des choses simples, pour eux c’est inquiétant. Ce sont souvent des jeunes dévalorisés », insiste-t-elle. Alors elle part sans jugement, « je n’ai pas d’a priori, j’ai un individu, un caractère et je travaille sur cela ». Un travail jusqu’à avoir ce qu’elle appelle « un pétillant dans les yeux » qui lui permettra d’engager une recherche de stage, un projet professionnel, la relation à l’autre, l’expression.
« À un moment, j’en ai eu marre des cours », Ilyana
Ilyana a 17 ans, elle est depuis peu en stage de commerce dans une papèterie à Manosque, « je me sens bien, bientôt je vais apprendre la comptabilité », lance-t-elle avec un sourire. Une jeune fille qui a fait partie des décrocheurs scolaires, « j’en avais marre des cours, je garde des mauvais souvenirs du collège. Alors absence, absence, absence ». Mais pour elle, ne pas avoir de diplôme, c’est « avoir un trou, c’est dur, mais il faut se raccrocher. On n’a pas d’avenir sans diplôme ». Et elle souhaite rejoindre l’an prochain un lycée professionnel en bac pro commerce.