Alpes de Haute-Provence : l’hôpital de Digne les Bains malade des risques psychosociaux

SANTÉ / Dans un rapport d’un cabinet indépendant qu’Alpes 1 s’est procuré, des situations de « souffrances au travail, stress, usure professionnelle et charge mentale » sont mises à jour dans différents services. La direction conteste ce rapport

 

- Alpes de Haute-Provence - 

 

« Perte de confiance dans l’avenir et dans la direction », « agents épuisés, « désinvestissement au travail ». Selon un rapport du cabinet indépendant Catéis, agréé auprès du Ministère du Travail, réalisé l’an dernier, les agents de l’hôpital de Digne les Bains souffrent de risques psycho-sociaux. Une expertise votée en mars 2017 par le CHSCT, Comité d’Hygiène Santé et Sécurité au Travail et livrée en septembre dernier. L’ensemble de l’établissement a été passé au crible, « avec une attention plus spécifique sur certains secteurs identifiés comme potentiellement plus exposés ». Il s’agit notamment de la maternité, de la blanchisserie, de REGAIN service accueillant notamment des personnes âgées souffrant de troubles psychiques, et des unités de Médecine Interne et de chirurgie orthotraumatologique. Le cabinet s’est notamment appuyé sur des analyses documentaires, mais aussi des temps d’entretien avec les agents et une observation en situation de travail.

 

Trois facteurs d’exposition : la gouvernance, la gestion des activités et le système de prévention

Trois facteurs d’exposition au risque psychosocial ont été relevés. Le premier se situe au niveau de la gouvernance. Alors que la situation financière de l’établissement hospitalier est déficitaire, il subit depuis plusieurs années de nombreux plans de retour à l’équilibre. Le dernier en date doit se terminer cette année et prévoit une diminution des coûts de 7 millions d’euros sur trois ans.

 

« La confiance des agents est impactée », Catéis

 

Des plans qui ont entrainé des changements d’activité, des réductions d’effectifs et des modifications dans l’organisation des différents services. Mais le rapport constate que ces changements n’ont pas été assez communiqués et expliqués par la direction aux agents, ce qui conduit à des inquiétudes quant à la pérennité de l’établissement. « La confiance des agents est impactée ».

 

Manque d’écoute, de considération et de reconnaissance

Autre facteur recensé, la gestion des activités. Les médecins et encadrants se trouvent en situation de surcharge et sont perçus par les agents comme « insuffisamment présents », le management est considéré comme « manquant de projet, de communication ». « Les équipes médicales sont en sous-effectifs sur la grande majorité des services », constate Catéis. Des situations de sous-effectifs qui ne sont pas régulées et une charge de travail perçue comme « trop importante ». Si le cabinet note également des moyens informatiques inadéquats, il souligne aussi un manque « d’écoute, de considération et de reconnaissance ». Seules ressources au travail déployées par les agents : la cohésion des équipes, « l’amour du métier et le sentiment d’utilité ». Trois points insuffisants qui trouvent leurs limites et « n’équilibrent pas les contraintes » pour Catéis.

 

Des épuisements et des tensions qui impactent la patientèle

Les agents se disent « épuisés ». La variabilité des plannings imposée « impacte la vie personnelle ». Quant aux heures supplémentaires, elles s’accumulent « sans contrepartie financière ». Les agents se disent désinvestis, des tensions se font jour dans les équipes. Une situation qui cause des dommages également sur la qualité de soins  « impactée par la charge et des comportements non professionnels ». Face à ce constat, Catéis juge le système de prévention sur le centre hospitalier « peu structuré » et sans grande implication « de la Direction au sein de la démarche ». Le système de prévention ne permet donc pas de repérer et de traiter les situations de risque psychosocial individuelles ou collectives. Des situations de violence ou de harcèlement ont été repérées, mais sont « insuffisamment prises en compte et accompagnés » ce qui a abouti à cinq plaintes.

« Les agents du centre hospitalier de Digne les Bains apparaissent clairement exposés au risque psychosocial dont notamment le stress, la souffrance au travail, l’usure professionnelle et la charge mentale », conclut Catéis. 9 % des agents dignois sont en situation de risque anxio-dépressif importants, avec 36 % d’entre eux avec des symptômes de fatigue et d’énervement.

 

Un rapport contesté par la Direction

Catéis termine en incitant la direction à mettre en place « rapidement » des actions de régulation et de prévention. Contactée, le directeur de l’établissement hospitalier dignois Richard Lamouroux déclare « que ce sujet est traité de façon polémique par la CGT. Nous contestons ce rapport », avant de souligner que des actions de prévention ont été mises en place.

 

La CGT pointe le problème depuis trois ans

Le syndicat CGT s’est emparé de ce sujet, voilà depuis plusieurs mois qu’il tire la sonnette d’alarme. Déjà à l’automne 2016, l’Association Nationale des Formations Hospitalières avait réalisé un baromètre social faisant apparaitre des symptômes d’anxiété et de dépressions importants. Puis au printemps dernier, lors de sa visite auprès de l’établissement dignois, la Haute Autorité de Santé a soulevé des dysfonctionnements dans l’organisation et la qualité des soins. Mais pour l’organisation syndicale, depuis, rien n’a été fait. Philippe Nicolas, secrétaire adjoint du syndicat CGT au sein de l’hôpital de Digne les Bains : 

 

À noter que, toujours selon la CGT, l’hôpital de Digne les Bains a été mis en sursis sur deux de ses services par la Haute Autorité de Santé : il s’agit de la maternité et du bloc opératoire. La Direction a jusqu’au mois de mai pour corriger le tir.