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Deux ans après, les parents d’Émile Soleil veulent « connaître la vérité, c’est un devoir à lui rendre »

Deux ans après, les parents d’Émile Soleil veulent « connaître la vérité, c’est un devoir à lui rendre »

FAITS DIVERS / Cela fait deux ans, jour pour jour, que le petit Émile Soleil était porté disparu au hameau du Haut-Vernet. Ses ossements étaient retrouvés huit mois plus tard. Dans une lettre adressée aux médias, ses parents s’expriment

 

-Alpes de Haute-Provence-

« Il a fallu apprendre à survivre sans lui » : deux ans après la disparition du petit garçon de deux ans et demi, les parents d’Émile Soleil s’expriment. Dans une lettre adressée aux médias, transmise par leur avocat Maître Jérôme Triomphe, Marie et Colomban Soleil retracent ce qu’ils ont vécu depuis « cet épouvantable soir du 8 juillet » qui a « déchiré » leurs vies.

 

Des parents dans la détresse face à des médias intrusifs

Ils expliquent « ne pas avoir été épargnés » depuis ces deux dernières années, notamment par la vague médiatique, « il a fallu subir l’injonction permanente d’étaler notre détresse au grand jour. (…) Notre position de victime et notre grande fragilité, au lieu de susciter respect et protection, semble avoir donné tous les droits sur nous. Nous avons vu étalés et décryptés nos visages, notre passé, nos parcours, nos opinions politiques réelles ou fantasmées, notre foi catholique, nos habitudes, nos qualités, nos défauts, ceux de nos chères familles, de nos amis ».

Alors que les grands-parents maternels de l’enfant ainsi que son oncle et sa tante avaient été placés en garde à vue en mars dernier,  Marie et Colomban Soleil disent avoir fait face à des calomnies « dans les médias, sur les réseaux ». « Nous avons vu les êtres que nous aimons trainés dans la boue. Nous avons été épiés, photographiés à notre insu, assiégés chez nous par les caméras et on nous a dit ‘Exprimez-vous ! Corrigez vous-mêmes ce qui est dit sur vous ! ».

 

« Nous-mêmes peinons à regarder en face le mal qui a été fait à notre petit enfant », Marie et Colomban Soleil

 

Une vague médiatique qu’ils ont subie depuis deux ans, pourtant les parents du petit garçon expliquent qu’ils n’ont « rien à dire. Pourquoi nous demande-t-on de nous justifier de ce qui nous arrive ? (…) Le mal existe, et il peut s’abattre sur n’importe lequel d’entre nous ».

Alors que le travail des enquêteurs se poursuit, Marie et Colomban Soleil veulent « connaitre la vérité » pour avancer, mais aussi parce que c’est « un devoir à rendre à notre Émile (…). Nous sommes parents, nous continuerons de toutes nos forces à défendre sa mémoire et à tout mettre en œuvre pour que justice lui soit rendue, grâce aux juges et aux enquêteurs que nous remercions une nouvelle fois ».

 

 

La lettre de Marie et Colomban Soleil dans son intégralité :

« Aujourd'hui cela fait deux ans. Cela fait deux ans que la disparition d'Emile a déchiré nos vies, que le sol s'est dérobé nous nos pieds et que nous avons été noyés dans l'angoisse. Tout de suite, cet épouvantable soir du 8 juillet, il a fallu survivre. Cette angoisse ne nous a pas tués sur place ; à notre grande surprise elle nous a laissés vivants mais comment vivre avec elle ? Et nous avons tenu, d'abord « en attendant de le retrouver, en attendant qu'il nous soit rendu ». Et puis 9 mois plus tard nous avons appris qu’il nous faudrait attendre pour le retrouver beaucoup plus de temps que nous avions pensé, cramponnés que nous étions à l’espoir de le revoir vivant en ce monde. Et il a fallu apprendre à survivre sans lui, voir à nouveau la lumière et la joie dans ce monde que ce vide infini a laissé fade, noir et flou.

Impitoyablement, ce furent aussi deux années pendant lesquelles, tout en luttant pour ne pas perdre pied, pour ne pas nous faire aspirer dans le trou noir de notre détresse, il a fallu subir l'injonction permanente de l'étaler au grand jour. Rien ne nous aura été épargné, c’est un grand paradoxe : notre position de victime et notre grande fragilité, au lieu de susciter respect et protection, semble avoir donné tous les droits sur nous : nous avons vu étalés et décryptés nos visages, notre passé, nos parcours, nos opinions politiques réelles ou fantasmées, notre foi catholique, nos habitudes, nos qualités, nos défauts, ceux de nos chères familles, de nos amis. Nous avons vu les êtres que nous aimons trainés dans la boue, calomniés tant et plus. Partout : dans les médias, sur les réseaux. Nous avons été épiés, photographiés à notre insu, assiégés chez nous par les caméras, et on nous a dit : « Exprimez-vous ! Corrigez vous-mêmes ce qui est dit sur vous ! ».

Et pourtant, pendant deux ans, nous nous sommes encore et encore astreints au silence. Car nous n'avons rien à dire. Pourquoi nous demande-t-on de nous justifier de ce qui nous arrive ? Sommes-nous de si mauvaises personnes pour qu’il nous arrive une pareille horreur ? Qui pourrait au fond réellement mériter une telle souffrance ? Nous pensons sincèrement que personne ne mérite une souffrance pareille et nous ne la souhaitons à personne. Le mal existe, et il peut s’abattre sur n’importe lequel d’entre nous. Nous-mêmes peinons à regarder en face le mal qui a été fait à notre petit enfant si merveilleux et surtout si innocent.

Connaître la vérité nous aidera aussi, et surtout sa manifestation est un devoir à rendre à notre Emile. C’est bien pourquoi nous ne souhaitons aucunement y faire obstacle en risquant de dévoiler le secret de l’instruction. Nous sommes parents et, même sachant notre petit garçon éternellement heureux au Ciel, nous continuerons de toutes nos forces à défendre sa mémoire et à tout mettre en œuvre pour que justice lui soit rendue, grâce aux juges et aux enquêteurs que nous remercions une nouvelle fois pour leur engagement et leur humanité. C’est le plus important.

Nous-mêmes n’éprouvons pas le besoin de nous exprimer plus, nous avons besoin de reconstruire notre vie pour toujours amputée, aidés en cela par tous ceux qui nous ont témoigné de la bienveillance et de l’amour gratuit, en actes, en paroles, par la prière ; eux seuls nous ont rendu supportables ces deux années, qu’ils en soient infiniment remerciés. Grâce à eux, nous continuerons à survivre. Nous continuerons à penser à Emile, à parler de lui, à le faire connaître à ses frères et sœurs et à ceux qui ne l’ont pas connu, à user de nos regards chaque photo que nous connaissons déjà par cœur, à essayer de nous souvenir de ses traits, de sa voix que nous avons entendue pour la dernière fois il y a deux ans, de ses baisers et de sa tendresse de petit garçon. Nous continuerons à lui parler, à aller nous recueillir sur sa tombe et à l’aimer. Jusqu’à le retrouver. »

C. Cava Michard