-Alpes de Haute-Provence-
Bas-Alpin de 26 ans, il a réalisé l’exploit : clôturer le Yukon Arctic Ultra, la course la plus difficile au monde. Imaginez-vous courir 608 kilomètres, plus de 11.500 mètres de dénivelé en 8 jours 2 heures et 24 minutes par – 40° et en tractant une pulka. Guillaume Grima l’a fait en terminant l’épreuve polaire à la seconde position derrière Mathieu Blanchard, la référence dans l’ultra trail. Entretien avec cette surprise ubayenne.
Guillaume Grima bonjour !
Bonjour, et merci de l’invitation !
Merci à vous et surtout bravo. Yukon Arctic Ultra, l’une des courses les plus dures au monde. Et seulement 3 traileurs finishers, dont vous. Vous vous étiez imaginé cela ?
Je pensais qu’on serait plus nombreux à l’arrivée mais avec les conditions extrêmes de la course, avec un départ avec -0°C, ça a été dur dès le début.
Quelle discrétion ! Votre nom résonne aujourd’hui mais avant cela… c’est dans la plus grande discrétion que vous vous êtes entrainé, et qui plus est sans coach ?
Je n’ai ni partenaire, ni sponsors, ni coach. J’aime faire mes propres entrainements. Je suis venu quatre mois avant au Yukon pour m’entrainer sur place, dans les conditions réelles. J’ai grandi à Barcelonnette, dans la Vallée de l’Ubaye, les hivers étaient assez froids. Comme j’aime ce froid, je suis venu au Canada il y a un peu plus de 2 ans pour découvrir ce qu’était un vrai hiver canadien.
© Yukon Arctic Ultra / Callum Jolliffe
Face à ce froid canadien, quels sont les points sur lesquels il faut être vigilants pendant la course ? On a vu Mathieu Blanchard en difficulté sur le parcours.
Ce froid sec est très présent. Il peut brûler les bronches. Si on court à trop haute intensité à des températures à -25°C, ça peut vraiment attaquer au niveau pulmonaire. Physiquement, courir dans la neige est quelque chose qu’il faut apprendre.
Qu’est ce qui est le plus dur : la distance ? le froid ? le manque de sommeil ?
Le froid reste physique mais avec l’équipement que l’on a, on arrive à le contrer et se protéger. La fatigue est un gros problème, contre lequel il faut lutter en permanence. Il faut savoir si l’on dort pendant plusieurs heures ou si l’on fait des micro-siestes. On est dans l’inconfort permanent. On avait seulement deux check-points sur les neufs de la course où l’on avait le droit de dormir à l’intérieur.
« La solitude est aussi pesante », G. Grima
J’avais participé il y a deux ans aux 150 kms du Yukon Arctic Ultra, la solitude est quelque chose qui avait vraiment pesé sur mon moral. Je me suis préparé mentalement à être seul, j’ai pu bien le gérer cette fois-là.
Pouvez-vous nous en dire plus sur cette préparation ?
Il y a d’abord eu la préparation physique pendant quatre mois avec beaucoup de course à pied, avec et sans ma pulka chargée d’une buche. Beaucoup de renforcement musculaire et articulaire car courir dans la neige est exigeant pour les chevilles et les genoux.
© Guillaume Grima
La préparation mentale pour être dans l’inconfort, s’imaginer des scénarios comme une vague de froid ou casser un matériel. La préparation matérielle : rassembler le matériel obligatoire et savoir l’utiliser, car c’est bien d’avoir son réchaud à essence. Mais si on ne sait pas le mettre en route, ça peut être compliqué si on doit l’utiliser par -35°C. On n’a pas envie de garder ses doigts longtemps dehors ! (rires)
Est-ce que votre passé de militaire, de chasseur alpin vous a aidé, notamment dans les moments les plus inconfortables ?
Oui, ces années de militaire m’ont aidé à développer des qualités comme l’autonomie, la rigueur, la rusticité.
Nous avons suivi ta course, et cette remontée des derniers instants sur Mathieu Blanchard, la référence dans l’ultra-trail. Est-ce frustrant d’être souvent qualifié de « dauphin de Mathieu Blanchard » ? Il t’a attendu à ton arrivée, quels ont été ses premiers mots ?
Être qualifié de dauphin de Mathieu Blanchard pour l’amateur que je suis, c’est tout bonnement exceptionnel ! (rires) C’est incroyable ! On s’est pris dans les bras à l’arrivée, il a eu des mots très gentils pour me dire qu’on était désormais liés par cette course, ce que l’on a vécu, les difficultés que l’on a traversées.
© Yukon Arctic Ultra / Callum Jolliffe
Une semaine après votre arrivée, comment allez-vous au niveau physique ? Qu’est ce que vous vous dites ?
Physiquement, mes muscles se reconstruisent. J’ai toujours une petite douleur dans le genou droit qui m’empêche de le plier quand je marche. Mais ça va de mieux en mieux.
Je me sens accompli, je suis allé au bout de mon projet pour cet hiver. C’était la course pour laquelle je me suis préparé pendant des mois, sur laquelle j’ai beaucoup investi. C’est un accomplissement mais ce n’est qu’une étape qui m’ouvre des portes vers d’autres courses pour les prochaines années.
Vous avez investi personnellement vos finances pour réaliser cette course, vous n’aviez pas de sponsors. On suppose qu’après cet exploit, votre téléphone ne fait que sonner pour vous solliciter ?
Il a déjà beaucoup sonné même pendant la course ! (rires) J’étais en mode avion donc complétement coupé du monde. Mais depuis, j’ai eu quelques sollicitations un peu inattendues, je suis très reconnaissant pour cela.
Pour 2027, comme si 608 kilomètres ne suffisaient pas, vous vous fixez l’Iditarod Trail Invitationnal. 1600 kms… à quel moment serez-vous satisfait de vos performances ?
L’Iditarod 1000 est un peu le Graal dans les courses polaires, l’année prochaine je devrai participer à l’Iditarod 350 : 550 kms qui est la dernière étape pour se qualifier pour l’Iditarod 1000 : 1600 kms en Alaska.
Je me dis déjà que j’ai réussi cette étape du Yukon Arctic Ultra. Même si pendant la course je me disais que j’allais arrêter là, que c’était suffisant, comme après chaque course, on a envie d’y retourner ! J’irais aux 1.600 kms et après ça, on trouvera bien autre chose à faire ! (rires)
L'entretien de Guillaume Grima dans son intégralité est à retrouver ici.
C. Cava Michard