Hautes-Alpes : de la mutualisation à la fusion, n’y aurait-il qu’un pas ?

Hautes-Alpes : de la mutualisation à la fusion, n’y aurait-il qu’un pas ?

POLITIQUE / Si le discours officiel au lendemain de la rencontre entre Jean-Marie Bernard, président des Hautes-Alpes, et Jean-Pierre Barbier, président de l’Isère, est d’avancer les mutualisations nécessaires entre les deux entités autour des routes, du train et du tourisme, dans les esprits, c’est bien d’une fusion à venir dont il serait question.

 

- Hautes-Alpes -

 

Ce mardi, Jean-Marie Bernard, président (LR) du conseil départemental des Hautes-Alpes et Jean-Pierre Barbier, président (LR) du conseil départemental de l'Isère, ont tenu une conférence de presse commune afin d’aborder la mutualisation des moyens liés à la culture, aux routes ou encore aux trains entre les deux Départements. Une idée qui fait écho à une mutualisation déjà opérée avec les Alpes de Haute-Provence et largement évoquée en octobre dernier avec le président (PS), Gilbert Sauvan. Une rencontre qui s’était traduite par une déclaration commune entre le 05 et le 04 : « un travail en commun des deux territoires pour un meilleur développement. Et ainsi peser sur les choix dictés par la Région. »

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« Avec deux pauvres, on ne fait pas un riche »

Un thème qui semble ressurgir de plus bel. Souvent défendu par Jean-Marie Bernard, mais aussi par son prédécesseur, Jean-Yves Dusserre et qui se traduit par : Hautes-Alpes et Alpes de Haute-Provence n’ont pas de dotes suffisamment valables pour célébrer la noce. Alors, l’idée d’aller au-delà de la mutualisation des moyens refait surface, mais cette fois avec un autre département voisin, plus florissant, plus attractif économiquement, celui de l’Isère. Et de ce point de vue les Alpes de Haute-Provence avec leurs quelques 255 millions d’euros ne font pas le poids dans la balance face à une Isère dont le budget annuel tourne autour des 1,5 milliards d’euros.

« Alors pourquoi ne pas envisager la fusion entre les Hautes-Alpes et l’Isère ? » devient la nouvelle discussion au moment même, ou à droite, tout le monde applaudit des deux mains les nouvelles aides venues de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur.

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Une perspective qui ne sera pas sans contraintes : administratives tout  d’abord (voir fin de l’article), mais aussi identitaire. Les habitants des  Hautes-Alpes, depuis toujours tournés vers la région PACA et son identité méditerranéenne, seraient-ils prêts à renier cette identité pour se fondre dans une région Auvergne-Rhône-Alpes, dont l’identité montagne se labellise par la Savoie ?

De plus, Hautes-Alpes et Alpes de Haute-Provence ont engagé depuis la loi NOTRe de nombreux regroupements intercommunaux sur les territoires frontaliers des deux départements dans une perspective d’avenir qui pousse vers une grande ligne : Gap-Sisteron-Durance-Manosque. Mais de ce point de vue, les Hautes-Alpes se divisent en deux territoires, avec une fracture Nord-Sud.

 

« Ne vous trompez pas, ce n’est pas la fusion des départements que l’on signe »

Déclaration sous forme d’avertissement de Jean-Pierre Barbier, suivie d’un « on en reparlera » de Jean-Marie Bernard. Pour autant, le président du département de l’Isère n’oublie pas que « les Hautes Alpes constituaient il y a bien longtemps le Dauphiné. Nous avons donc une origine commune. » Pour sa part Jean-Marie Bernard va déjà plus loin : « je crois qu’aujourd’hui il ne faut rien s’interdire. Les territoires sont mouvants. Sur les réformes territoriales je crois qu’il faut arrêter, ou aller vers des choses pragmatiques » analyse le président des Hautes-Alpes.

Jean-Pierre Barbier sur Alpes 1:

Jean-Marie Bernard sur Alpes 1 :

 

« C'est dans une période de crise que l'on reconnaît ses amis »

Faisant référence à l’épisode du Tunnel du Chambon, le président isérois rappelle les objectifs premiers de ce rendez-vous bi-départemental : un travail commun sur les routes, et d'autres sujets de mutualisation « pour que les départements soient solidaires. » Et côté route, Jean-Marie Bernard, constate qu’ « un pas en avant » a été réalisé sur la RD 1091. « Cette 1091 n'a pas de vocation départementale mais régionale et nationale. Nous avons l'obligation de travailler ensemble pour éviter que cet épisode ne se reproduise ». Une étude sur les investissements à réaliser sur cette 1091 sera menée par les deux départements.

Sur la question de la RD 1075, les deux départements sont « d'accord pour améliorer cet axe notamment en sécurisation. » 40 millions d'euros seront ainsi mis sur la table par l'Isère, avec comme projet de créer des zones de dépassement, mais « il faut que l'état nous aide financièrement », insiste Jean-Pierre Barbier. Alors l’objectif sera de faire rentrer les  1091 et 1075 dans les schémas régionaux.

 

Fusion des départements, qu’en pensent vos élus ?

Dans la perspective d’une évolution vers l’idée d’une fusion entre les deux départements, Alpes 1 a interrogé vos élus, et les représentants des forces économiques du territoire. Ainsi, pour la députée (PS) de la 1ère circonscription, Karine Berger, « c’est une très mauvaise idée. Le département est tourné vers Marseille grâce à l’A51, et l’appartenance à PACA renforce cette situation. » Autre point de vue radicalement opposé, celui du député (PRG) de la 2ème circonscription, Joël Giraud, « cela a du sens en matière d’infrastructures qui penchent toutes entre Nord et Sud, de plus on ne bâtit rien contre l’histoire. »

Plus mesurée, la sénatrice (LR), Patrcia Morhet-Richaud, estime qu’ « il semble aujourd’hui sans doute prématuré de parler de fusion de départements. » Mais au-delà « les conventions qui peuvent être mises en place entre les départements sont une bonne chose. Mutualiser, c’est toujours du bon sens, aujourd’hui a fortiori. »

Dans le nord du département, on se souvient de l’histoire du territoire qui fut raccroché au Dauphiné, et Gérard Fromm, maire de Briançon, et président du groupe d’opposition au département aborde le débat « sans a priori. Si demain les Hautes-Alpes et l’Isère se rapprochent, il faudra aussi se poser la question de qui apporte quoi et quels sont les intérêts », ajoute l’élu. Actant que l’épisode du tunnel du Chambon a été « un exemple de solidarité par des Isérois attachés à une relation de qualité », alors « pourquoi pas ? » Pour autant, l’édile de Briançon se rappelle que pour la région PACA, cela pourrait représenter un coup dur, « l’identité ‘Alpes’ est importante pour la région, et si cela doit se faire il ne faudra le faire trop vite et n’importe comment », conclu Gérard Fromm sur Alpes 1.

Du côté de la CCI, son président Éric Gorde constate, si l’état d’esprit « est plus montagne que littoral », que « l’autoroute entraine naturellement le développement vers le sud (…)  même les entreprises BTP de Briançon vont plus dans les Bouches-du-Rhône que dans l’Isère, et dans ce contexte les accès restent une vraie difficulté vers le nord. »

 

La fusion, est-ce techniquement possible ?

Selon le code des collectivités territoriales, pour envisager une fusion, les Hautes-Alpes devraient déjà faire la démarche de quitter la Région-Provence-Alpes-Côte d’Azur pour rejoindre la région Auvergne-Rhône-Alpes. Mais cela devra passer par un vote du conseil départemental des Hautes-Alpes, de la région PACA, de la région AURA, avec dans les trois cas un vote à la majorité des 3/5ème. Mais … ces décisions devront avoir été tranchées avant le 31 décembre 2019. En effet, la loi NOTRe ne permet pas aux départements d’envisager  ce type de décision après cette date.