Alpes de Haute-Provence : le service de médecine interne de Digne les Bains disparaitra

SANTÉ / Si la direction de l'hôpital de Digne les Bains avance une "transformation" du service de médecine interne, pour le docteur Gilles Chalvet c'est bien une disparition dont il est question

 

- Alpes de Haute-Provence - 

 

Le service de médecine interne de l’hôpital de Digne les Bains disparaitra au 1er février 2018. Une décision qui suscite l’émoi au sein de la capitale des Alpes de Haute-Provence, en atteste une pétition en ligne. Le syndicat FO s’est emparé de ce dossier et a rencontré ce vendredi matin la direction. Au terme de cette rencontre, l’organisation s’est montrée rassurée, assurant qu’il ne s’agit pas d’une disparition simple mais d’une réorganisation avec des lits polyvalents. Un jeu sur les mots qui semble tout de même bien conduire à la fin, dès le 1er février prochain de ce service.

 

Médecine interne, de quoi parle t-on ?

Un service de médecine interne, créé à Digne les Bains dans les années 70. Les médecins internistes sont souvent considérés comme de « supers » médecins généralistes qui interviennent en milieu hospitalier et agissent sur l’individu dans sa globalité. Il s’agit en réalité de véritables spécialistes qui se situent en relais de la médecine générale et de la médecine spécialisée d’organe. Des spécialistes qui savent prendre en charge aussi bien les patients présentant des pathologies dites courantes mais imposant l’hospitalisation, aussi bien ceux atteints de maladies rares ou de diagnostic complexe.

Une spécialité rendue célèbre dans le monde entier par la série « Docteur House » et surtout reconnue comme un label de qualité, aussi bien pour la patientèle que pour les médecins hautement qualifiés qui recherchent ce type de services dans un établissement pour s’implanter.

 

Une spécialité réputée, pourquoi la faire disparaitre ?

Depuis plusieurs mois, des discussions sont en cours afin de réorganiser l’hôpital de Digne les Bains, « la réorganisation était une réalité, il fallait faire émerger un service de gériatrie. J’avais donc accepté de céder quelques lits de la médecine interne et de me replier sur une unité de 15 lits », affirme le docteur Gilles Chalvet, responsable de la médecine interne au sein de l’hôpital de Digne les Bains qui tient à s’exprimer, non pas en tant que praticien, mais en tant que citoyen affecté par cette décision.

 

Disparition de la médecine interne ou transformation ?

Sauf qu’aujourd’hui, la direction ne parle plus de disparition sèche mais de transformation. Une partie des 23 lits de médecine interne ira à la gériatrie, d’autres seront transformés en lits polyvalents. Une annonce qui a rassuré le syndicat Force Ouvrière ce matin, après une rencontre avec la direction, « il a été assuré que l’activité de médecine interne ne serait pas remise en question, que les patients relevant de cette spécialité bénéficieraient du même suivi et des mêmes prestations qu’auparavant : consultations, examens et hospitalisations si besoin ».

Un projet validé, selon Fo, par les instances médicales de l’établissement qui consiste à « supprimer les lits réservés exclusivement à la médecine interne pour les transformer en lits polyvalents pouvant être dorénavant partagés avec d’autres activités de médecine ». La réalité est donc dans cette phrase : il n’y a plus de service destiné exclusivement à la médecine interne, « l’organisation initiale était bien d’organiser les lits. Si on veut avoir une visibilité pour les médecins généralistes ou les urgentistes, il faut qu’il y ait des spécialités fléchées. Ce n’est pas le cas, on fait disparaitre la médecine interne ».

Selon le docteur Gilles Chalvet, la direction estime qu’il y a des difficultés de recrutement de médecins internistes, « c’est vrai, il y a des difficultés. Mais je venais d’avoir l’agrément pour former des internes en médecine générale et en médecine interne. On est dans un emballement ».

 

Une disparition avec en trame de fond un scénario financier ?

Alors que le déficit de l’hôpital atteint 1,5 million d’euros en 2017, certains se demandent si un service de gériatrie ne rapporterait pas plus d’argent à la structure hospitalière qu’un service de médecine interne, « il semblerait que la gériatrie soit mieux rémunérée mais ce serait une vision à court terme », poursuit le docteur Gilles Chalvet.

 

« Il s’agit d’être plus souple », R. Lamouroux

 

Aux accusations d’une véritable disparition déguisée en transformation de lits polyvalents, Richard Lamouroux le directeur du centre hospitalier, rejette les arguments, « aucun lit n’est fermé, c’est une réorganisation. L’activité de médecine interne va perdurer avec les effectifs médicaux, autour d’une organisation plus souple ». Une organisation plus souple autour de lits polyvalents « pour ne pas figer les choses car le nombre de patients par spécialité évolue selon certaines périodes ».

 

 

 

« Un centre hospitalier qui ne possède plus de médecine interne, le cœur de l’hôpital, deviendra peu à peu un hospice », G. Guigou

 

L’un des premiers à réagir à cette annonce est le docteur Georges Guigou, ancien chef du service de pneumologie au sein du centre hospitalier de Digne les Bains de 1956 à 1990. Selon lui, le service de médecine interne « est aussi reconnu par son enseignement clinique accrédité par la Faculté de Médecine de Marseille comme centre de formation de médecins généralistes dont beaucoup s’installeront dans notre région ».

Il précise ainsi qu’en 1990, il en avait « compté 14. Depuis leur nombre a certainement augmenté ». Une fermeture « préjudiciable à la population » selon Georges Guigou pour deux raisons : « ne plus recevoir les malades qui n’ont pas encore de diagnostic et qui seront dirigés vers les hôpitaux de Manosque ou de Gap » et la « raréfaction des choix des internes qui ne trouveront plus dans notre hôpital le terrain favorable à leur formation de médecins généralistes ».

 

« Il faut avoir la naïveté d’un directeur qui n’est pas médecin pour avoir osé dire que la médecine interne existe toujours au sein de l’hôpital sans lits spécifiques »

 

Le Docteur Georges Guigou ajoute à l’attention du directeur Richard Lamouroux qu’il « faut avoir la naïveté d’un directeur qui n’est pas médecin » pour soutenir que ce service de médecine interne perdure toujours avec des lits polyvalents, « la médecine interne ce n'est pas un médecin interniste c'est un service avec des lits spécifiques. Ce n'est pas connaître comment un médecin pourrait s'occuper de ses malades sous la direction d'un autre chef de service ». Le spécialiste voit là l’hypothèse d’une « attaque directe contre le docteur Chalvet ».