Alpes de Haute-Provence : « Un palmier, un kaki, un bassin grand comme un chapeau», bienvenue chez Giono

CULTURE / Acquise pour la somme de 634.000 euros par la commune de Manosque, la cité de Jean Giono possède aujourd’hui plus qu’un patrimoine, elle sanctuarise son identité.

 

 

- Alpes de Haute-Provence -

« Un palmier, un kaki, un bassin grand comme un chapeau», c’est ainsi que Jean Giono définissait sa maison, « Lou Paraïs ». Et c’était une grande journée en l’honneur de celui qui n’aura jamais quitté son Manosque natal et écrit la plus grande partie de ses ouvrages chez lui. Une grande journée qui était organisée ce lundi 20 juin dans le cadre de l'acquisition par la ville de Manosque de la maison de Jean Giono.

Ultime étape depuis la signature de l’acte le 31 mars dernier entre la commune et la fille de l’écrivain, Sylvie Durbet-Giono n’avait de son propre aveu, « plus les épaules assez larges pour subvenir aux besoins » de ce petit coin de Provence sur le flanc sud du Mont d’Or qui domine Manosque.

 

 

Une maison acquise en 1930 par l’écrivain

Une petite maison, baptisée « Lou Paraïs », où il va vivre pendant quarante ans jusqu’à sa mort dans la nuit du 8 au 9 octobre 1970. Le Paraïs est à la fois une maison familiale et un des hauts lieux de la littérature française, puisque Giono y a conçu et rédigé la quasi-totalité de son œuvre.

Au fil des années, Giono agrandit et transforme Le Paraïs, au grè de son souhait d’accueillir le plus de visiteurs possibles tout en menant sa vie aux côtés de son épouse Élise et de ses deux filles Aline et Sylvie.  Dans cette maison vivront également une partie de sa famille et de sa belle-famille. Sans oublier ses amis  dont le plus illustre fut Bernard Buffet, qui aura croqué à de multiples reprises le visage de l’homme de lettres mais aussi André Gide, la famille Gallimard, Charles Dullin, Henry Miller, Jacques Thévenet, Yves Brayer, ou bien encore Carzou. Des amis qu’il recevra notamment sur la terrasse.

 

 

Le Paraïs a été labellisé, par le ministère de la Culture et de la Communication, « Patrimoine du XXe siècle » en 2008 et « Maison des Illustres » en 2011 et acquise aujourd’hui pour la somme de 634.000 euros. Le Paraïs restera ouverte à tous les curieux et amoureux de l’auteur, et symbolisera l’atout du tourisme culturel de la ville, mais aussi de la communauté d’agglomération avec des échanges attendus avec les médiathèques du territoire.

 

Une bibliothèque remarquable, qui « faisait sa fierté. »

« Toujours en son état actuel, sa bibliothèque faisait sa fierté » annonce lors de la visite le président des amis de Jean Giono, Jean Mény, et compte « près de 8.000 volumes, dont plus de la moitié relèvent d’autres genres que la fiction romanesque » 

 

 

Ses bureaux, lieux d’écriture mais toujours ouvert aux enfants

« Si mon père travaillait beaucoup, il était toujours disponible pour nous recevoir dans son bureau, il suffisait de taper à la porte et il était alors un père formidable », se souvient Sylvie, sa fille. Mais avant de s’installer, au printemps 1930 , « Giono occupe à Manosque plusieurs appartements successifs, dont la modestie ne lui permet pas de disposer d’une pièce à usage exclusif de bureau. Il lui arrive même d’écrire dans les locaux de la banque qui l’emploie, des formulaires bancaires lui servant à l’occasion de support d’écriture », raconte encore Jacques Mény et c’est donc dans un relatif inconfort qu’il rédige ses premières proses poétiques et quatre romans jusqu’à Regain. Il finira par y aménager son premier bureau dans une petite chambre située au-dessus de la cuisine de sa nouvelle demeure.

 

 

En 1932, il fait édifier, à l’écart du batiment principal, un petit pavillon où il écrit Le Chant du monde et Que ma joie demeure. En juillet 1935, après la construction d’une aile reliant la maison d’habitation au pavillon de 1932, l’écrivain s’installe au second étage du nouveau bâtiment.

 

 

Pierre Bergé, « la cheville ouvrière » de la succession de cette maison

Présent lors de cette acquisition le président de la Fondation Pierre Bergé-Yves Saint-Laurent, Pierre Bergé, se souvient d’ « un ami, un mentor, un père de substitution » rencontré à l’âge de 19 ans, quand Giono avait lui une cinquantaine d’années. « Tous les jours il venait me lire les deux pages de son roman qui allait devenir le Hussard sur le toit (…) et du haut de ma jeunesse je trouvais ça naturel, je ne me rendais pas compte de la chance que j’avais d’être à ses cotés et de partager sa vie de famille et sa maison. » Pierre Bergé qui s’est défait d’une partie de sa bibliothèque personnelle, « mais qui a gardé un des livres de mon père » se plait à raconter Sylvie Durbet-Giono. « Jamais je ne m’en séparerais, il y a une dédicace dans ce livre dont je ne pourrais me défaire » précise le mécène.

 

 

« Je veux qu’on se souvienne de tout sur mon père »

Loin d’abandonner un patrimoine familial dont elle est la seule mémoire vivante, Sylvie Durbet-Giono est « heureuse de voir cette maison passer dans une organisation municipale beaucoup plus solide que mes frêles épaules (…) de façon à reconstituer ce qui a disparu depuis le départ de mon père. » De même, la fille de Giono en est convaincue, « je crois que mon père serait content, et ma mère aussi d’ailleurs que cette maison revienne à la ville de Manosque. » Et qu’on ne s’y trompe pas, les décisions à venir pour Lou Paraïs passeront aussi par l’assentiment de Sylvie, « j’ai ma clé, je reste dans cette maison. »

 

Le maire de Manosque, Bernard Jeanmet-Peralta. La fille de Jean Giono, Sylvie Durbet-Giono et Pierre Bergé.

 

 

Le rachat de Lou Paraïs dans quel but ? Les explications de Pascal Antiq, vice-président de la DLVA en charge de la culture.

Sylvie Durbet-Giono était aux côtés de celui qui est l’un des éléments essentiels dans l’acquisition : Pierre Bergé, président de la Fondation Pierre Bergé-Yves Saint-Laurent.