Alpes du Sud : Le loup peut-il attaquer l’homme ?

ÉCOLOGIE / Entre légende urbaine et réalité du terrain, la dernière sortie médiatique du loup réveille les fantasmes et renouvelle les incompréhensions entre pro et anti-loup.


Alpes du Sud – Une meute de loup face à un adolescent de 16 ans, à Seyne-les-Alpes dans l’Ubaye, et voici une information propice à relancer de plus belle la guerre entre les pros et les antis loup.

Samedi 6 juin, Romain Ferrand, âgé de 16 ans, affirme avoir été attaqué par une meute de loups à Seyne-les-Alpes et indique avoir entendu des aboiements et des meuglements dans l'exploitation bovine de son père. Il relate à nos confrères de La Provence qu’il a vu des yeux briller dans le noir et réussi à dénombrer neuf loup adultes et quatre louveteaux. « Encerclé par la meute », le jeune homme, qui portait des béquilles, dit avoir tiré en l'air mettant les loups en fuite alors qu'ils étaient à une vingtaine de mètres de lui.

Un évènement qui fait réagir Christian Hubaud, conseiller départemental des Hautes-Alpes, en charge de l’agriculture, et signataire d’un arrêté municipal en faveur du tir du loup (arrêté jugé illégal par la préfecture des Hautes-Alpes –Ndlr). « Les évènements de ces derniers jours me donne raison (…) mon arrêté a bien pour but la protection des biens et de la personne. Dommage pour celles et ceux qui m’ont insulté ».

« C’est pas faute de l’avoir dit », la FDSEA 05 n’est pas en reste dans les commentaires post « attaques », et « appelle à la prudence de tous les éleveurs et bergers. Nous conseillons à tous de vous armer, non seulement pour protéger votre troupeau mais aussi pour votre propre protection et celle de votre famille. N’hésitez pas à tirer si vous vous sentez en danger car demain nous ne voulons pas assister à l’enterrement d’un des nôtres tué par un loup ». Le syndicat d’exploitants agricoles qui en appelle à l’État, « nous demandons à ce que l’Etat fasse tout son possible pour que la régulation soit effective. Nous demandons la prise en charge des permis de chasse et de leur validation annuelle pour que nos éleveurs puissent se défendre en toute légalité (…) que l’ensemble du département soit classé en cercle 1 - c'est à dire une zone où toutes les aides pour la protection des troupeaux sont accessibles aux éleveurs. Ndlr - (…) que les éleveurs bovins puissent également profiter de ces mesures ».

De son côté, Christophe Castaner, député des Alpes de Haute-Provence, et président de la commission loup, demande au préfet des Alpes de Haute-Provence un arrêté de prélèvement de loups, afin d’empêcher « cette meute de s’approcher des habitations et effrayer la population ». Demande suivi ce mardi par la préfecture des Alpes de Haute-Provence, avec un arrêté de prélèvement sur le secteur de Seyne les Alpes.

Dans les Hautes-Alpes, la sénatrice Patricia Morhet-Richaud, le député Joël Giraud, le président du conseil départemental Jean-Marie Bernard et le président de la chambre d’agriculture Pierre-Yves Motte viennent d’envoyer un courrier commun à Ségolène Royal, ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie, sur la question du loup. Un courrier dans lequel, ils rappellent que « les attaques se multiplient, y compris à proximité des habitations » et que « la situation devient explosive tant l'incompréhension est totale entre la réalité de nos territoires et les réponses qui sont actuellement apportées ». Les cosignataires demandent que « des tirs de prélèvement soient immédiatement autorisés ».


Un témoignage sur cette remise en question.

Pour Jean-François Darmstaedter, secrétaire général de l’association FERUS (association nationale de protection du loup, de l’ours et du lynx en France), le témoignage de l’attaque du jeune Romain « ne tient pas », ajoutant que « les incohérences ne manquent pas dans cette histoire. L’adolescent, qui se déplace en béquilles, dit qu’il avait aussi en mains une lampe torche et le fusil laissé par son frère ». Autre point qui trouble le secrétaire général, « il nous parle également d’une distance à laquelle se trouvaient les loups et qui varie entre 5 et 20 mètres selon les différentes versions données par la famille (…) il parle également  de quatre grands louveteaux, ce qui est invraisemblable puisque les louveteaux à cette époque sont encore tout petits et pas en âge de suivre la meute. Aucune meute si grande n’est connue par les suivis scientifiques à cette époque de l’année ».

Autre remise en question, celle de Sylvain Macchi, responsable zootechnique du Parc du Gévaudan en Lozère. « Il ne peut avoir vu de louveteaux, ils sont trop jeunes, et restent dans le terrier (…) s’il y avait des louveteaux, ce serait ceux nés il y a un an, et qui auraient aujourd’hui une taille d’adulte ».


Le loup et l’homme, voilà une vieille histoire qui a donné lieu à de nombreux contes de fées

Le prédateur fait peur à nos enfants dès le plus jeune âge et pourtant, on dénombre seulement neuf attaques meurtrières en Europe depuis 50 ans. Alors fiction ou réalité ? Avec les faits présumés de vendredi dernier à Seyne les Alpes, la question reste ouverte.

Le loup craint naturellement l’homme, c’est pourquoi il est la plupart du temps invisible et reste loin des villes et villages, toujours selon Sylvain Macchi : « Que des loups se rapprochent des villes et villages, il n’y a rien d’exceptionnel, cela fait 30 ans que je voyage dans l’hémisphère Nord sur leurs traces et je n’ai jamais été attaqué par des loups, j’ai eu la chance d’être suivi par des loups, d’en voir s’approcher de moi, mais c’est tout ».

Pour Jean-François Darmstaedter,  « le loup n’est pas dangereux pour l’homme, car il ne figure pas dans la carte de chasse du canidé (…) le loup sent venir l’homme et va s’éloigner automatiquement ».

Mais des attaques ont existé

En France

La plupart des attaques connues sur l’homme sont dues au virus de la rage. Le loup en bonne santé n’attaque pas l’Homme sauf dans certaines situations très rares. Le comportement de prédation du loup, dans le cas de l’absence de proies, peut mener à des attaques mais elles sont exceptionnelles tout comme le comportement défensif. Dans ces deux cas, aucune mort humaine n’a été recensée.

« Le loup vit d’abondance et de disette, qu’il ne soit pas amené à manger pendant quelques jours n’a rien d’exceptionnel, et ce n’est pas pour autant qu’il attaquera l’homme », assure Sylvain Macchi.

Le canidé est bien moins dangereux que d’autres prédateurs comme par exemple le tigre et l’ours, responsables de bien plus d’attaques meurtrières sur l’homme. Et depuis le retour du loup dans les Alpes en 1992, aucune attaque d'homme n'a été recensée en France.

Ailleurs dans le monde

Les cas d'attaques délibérées sont extrêmement rares au cours du 20ème siècle. Deux études publiées en 2002 ont tenté de documenter ces interactions entre grands carnivores et humains.

Le premier, le rapport de Mark McNay, qui portait sur le Canada, a reconnu l'existence d'attaques de loups non enragés sur six enfants entre 1994 et 2000.

La seconde enquête, internationale cette fois, menée par John Linnell, ne relève aucune attaque de loup ces vingt dernières années en Europe ou en Amérique du Nord. Elle dénombre en revanche 273 enfants tués en Inde, essentiellement en raison de loups enragés.