Alpes de Haute-Provence : 29 ans après, Tchernobyl inlassablement d’actualité dans le Mercantour

ÉCOLOGIE / Selon une nouvelle étude, les sols du parc national du Mercantour présentent encore une radioactivité supérieure à la normale, due à la catastrophe de Tchernobyl


Alpes de Haute-Provence - Selon une nouvelle étude publiée, ce vendredi 31 juillet, par la Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité (Criirad), les sols du parc national du Mercantour présentent encore une radioactivité supérieure à la normale, due à la catastrophe de Tchernobyl il y a 29 ans.


La Criirad, c’est quoi ?

Commission de Recherche et d’Information Indépendantes sur la Radioactivité, est une association  née en mai 1986, au lendemain de la catastrophe de Tchernobyl, à l’initiative d’un groupe de citoyens et qui souhaitaient connaître la vérité sur la contamination réelle du territoire français. Indépendante de l’Etat, des exploitants du nucléaire et de tout parti politique, la Criirad existe grâce au soutien de quelques milliers d’adhérents, et possède son propre laboratoire d’analyses. Elle mène ses propres investigations, informe le public et les médias. Si nécessaire, elle interpelle les responsables et les pouvoirs publics, engage des actions en justice et contribue ainsi à faire évoluer la règlementation en vigueur.


Que dit cette étude ?

Premier constat, « les retombées avaient été particulièrement intenses dans le sud-est de la France (…) avec une mise en évidence entre 1996 et 1998, de très fortes contaminations des sols dans le Mercantour et les Écrins », indique à Alpes 1 Bruno Chareyron, responsable du laboratoire de la Criirad et ingénieur en physique nucléaire, qui avait déjà alerté le Ministre de la Santé de l’époque Bernard Kouchner, venu alors répondre aux inquiétudes de la population sur place. Un passage à retrouver en vidéo ici.


Bruno Chareyron aux côtés de Bernard Kouchner en 1998

 

17 ans après ce premier passage, de nouvelles mesures ont été réalisées, les 5 et 6 juillet 2015 au cœur du Parc National du Mercantour, entre 2440 et 2540 mètres d’altitude, dans  le  secteur  du  Col  de  la  Bonette - Restefond,  à  la  frontière  entre  les  départements  des Alpes de Haute-Provence et des Alpes Maritimes.



« Le  fait  de  bivouaquer  2  heures  sur  certaines  de  ces  zones induit  toujours  en  2015  une  exposition  non  négligeable », Criirad.


Deuxième constat, en 2015, « à un mètre  du sol sur des centaines de mètres carrés, le niveau de  radiation est  toujours plus de 2  fois  supérieur  à  la  normale. Les  niveaux  de  radiation  au  contact  du  sol  dépassent toujours,  sur les zones d’accumulation, des valeurs plusieurs dizaines de fois voire plus  de 100 fois supérieures au niveau naturel. Le  fait  de  bivouaquer  2  heures  sur  certaines  de  ces  zones induit  toujours  en  2015  une  exposition  non  négligeable ».


Le caractère ingérable des catastrophes nucléaires.

Bruno Chareyron rappelle l’intérêt de cette étude : « Le  fait  que, dans  le  sud-est  de  la  France,  à 1900 kilomètres de  Tchernobyl, et plus de 29 ans après la catastrophe, certains  sols  restent  contaminés  à plus  de  100.000  Bq/kg nous  interpelle  sur  ce  qui  se passerait en cas de catastrophe nucléaire sur un réacteur situé à quelques kilomètres de nos frontières, ou au cœur du territoire  français ».


Fin de la contamination des sols ?

La période  physique du  césium  137 est  de  30  ans  et il  faut attendre 300 ans pour que sa radio activité soit divisée par 1000.


Les autorités sanitaires françaises interpellées

La Criirad indique avoir ramené dans son laboratoire, en caisson plombé, des échantillons de sol. « Les sols et ces portions de terre doivent être considérés comme des déchets radioactifs et devront être confiés à l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra). Au début du siècle dernier, la radioactivité des sols était de 0 Bq/kg pour le césium 137», explique encore Bruno Chareyron, rappelant avoir interpellé à plusieurs reprises les autorités sanitaires françaises « pour que les secteurs les plus radioactifs soient dépollués, ou tout au moins balisés, pour éviter des expositions inutiles ».

Une demande déjà formulée en 1998 mais qui reste encore à ce jour lettre morte, s’expliquant par le calcul des services de l’état : « la position des autorités, c’est de dire qu’il faudrait rester des centaines d’heures sur ces zones contaminées pour dépasser la dose admissible », explique Bruno Chareyron avant de contre argumenter, « mais pour nous, la radioprotection est partir du principe que toute dose augmente les risques, et que si on veut bien protéger les gens, il faut faire le maximum pour que les doses soient les plus faibles possible, à partir du moment où il existe des zones dans lesquels on peut être exposé de façon non négligeable. Il faut que la population en soit averti, soit par des zonages, soit par l’assainissement de ces zones ».