Alpes du Sud : les Chambres d’Agriculture font un procès contre la directive nitrates

AGRICULTURE / Cette directive nitrates doit entrer en vigueur dès janvier 2015. Les Chambres d’Agriculture la voient trop contraignantes pour la profession

Alpes du Sud - Les Chambres d’Agriculture des Alpes du Sud croisent les doigts, face à la directive européenne nitrate. Que dit cette directive nitrate ? Elle vise tout bonnement à protéger les eaux de la pollution par nitrates, ces nutriments que les agriculteurs donnent à la terre pour la rendre fertile. Alors que la Commission Européenne vient de demander à la France de revoir sa carte des communes vulnérables, c’est l’inquiétude dans nos départements…


Un brin d’histoire…

Il faut revenir un peu en arrière pour comprendre. 1991 : l’Europe vote cette directive nitrates, qui doit donc protéger l’eau de la pollution agricole. Elle impose ainsi à tous les pays membres de classer des communes en zones vulnérables, c’est-à-dire en zones polluées et où les agriculteurs doivent mettre en place des actions afin de faire redescendre les niveaux. La France présente alors sa carte… Bonnet d’âne pour l’Hexagone, la Commission Européenne considère que le pays n’est pas un bon élève et a minimisé les zones vulnérables. Il n’y en a pas assez.

L’histoire va devant la Cour de Justice de l’Union Européenne en mai 2012. La France ne peut plus reculer, si elle ne revoit pas sa carte, elle sera condamnée à payer une note salée : 20 millions d’euros d’amende et une astreinte de 3,5 millions d’euros par mois… De nouveaux critères beaucoup plus stricts sont alors décidés, et la polémique commence.

Les Hautes-Alpes, qui n’étaient jusque-là pas concernées, voient trois de ses communes classées vulnérables : Gap, Rambaud et Saint Laurent du Cros à cause de l’eutorphisation, c’est-à-dire à la prolifération de végétaux liée à l’excès de nutriments. On pense notamment aux fossoyeurs des cours d’eau, les algues vertes. Et pour les Alpes de Haute-Provence, c’est pire, alors que le département était à trois communes vulnérables en 2012, il passe à 58 en 2014 pour la qualité de ses eaux souterraines.


Les Chambres d’Agriculture à la barre… l’accusation de l’Europe est jugée sans preuves

De leurs côtés, les organisations agricoles s’interrogent sur les bases scientifiques de ce classement. Selon elles, l’agriculture n’est pas la seule pollueuse, « le nitrate est parfois le fait de l’urbanisation, du développement de l’activité humaine. On le voit souvent par le dysfonctionnement de stations d’épuration », explique Pierre-Yves Motte, président de la Chambre d’Agriculture des Hautes-Alpes. Il faut préciser que selon le CNRS, 66 % de la pollution est due à l’agriculture, 22 % aux collectivités locales et 12 % aux industries.

Pierre-Yves Motte va même plus loin, selon lui, on a classé des communes, mais la France ne joue pas le jeu de la transparence. L’accusation est sans preuves, « aucun chiffre n’est disponible sur Saint Laurent du Cros par exemple. La commune a réalisé des analyses sur le même point de prélèvement, les taux de nitrate sont bien inférieurs à ce qui est dit pour être classé zone vulnérable ».

Rien n’est pour l’instant arrêté dans cette directive nitrate, chaque préfet doit consulter jusqu’au  30 novembre les conseils généraux et régionaux, les chambres d’agriculture et les conseils départementaux de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques. Le projet de zonage sera ensuite susceptible d’évoluer, avant d’être arrêté le 31 décembre.

Problème : cela laisse peu de temps pour apporter les preuves inverses. Et les conséquences pour les agriculteurs, hormis les investissements qui devront être engagés pour mettre en place des captages, seront contraignantes. « Les agriculteurs du plateau de Valensole ne pourront plus épandre d’azote, y compris l’agriculteur biologique »,  explique Frédéric Esmiol, président de la Chambre d’Agriculture des Alpes de Haute-Provence, qui craint également un déséquilibre économique, et un retour de la concurrence : « le Val de Durance cultive du blé dur, si on n’est plus capable d’apporter l’azote pour nourrir la céréale comme il faut, nos clients vont se retourner vers le Canada, notre concurrent ». Le chantier de révision devrait commencer au premier semestre 2015.

 

Retrouvez les communes classées zones vulnérables dans les Alpes de Haute-Provence :

Aiglun

Allemagne en Provence

Aubignosc

Barras

Bras d’Asse

La Brillanne

Brunet

Le Castellard Melan

Le Castellet

Le Chaffaut Saint Jurson

Champtercier

Château Arnoux Saint Auban

Chateauredon

Corbières

Cruis

Digne les Bains

Entrepierres

Entrevennes

L’Escale

Esparron de Verdon

Estoublon

Gréoux les Bains

Lurs

Malijai

Mallemoisson

Manosque

Les Mées

Mezel

Mirabeau

Montagnac Montpezat

Montlaux

Moustiers Sainte Marie

Niozelles

Oraison

Peipin

Puimichel

Puimoisson

Quinson

Riez

Roumoules

Sainte Croix du Verdon

Hautes Duyes

Saint Etienne les Orgues

Saint Jeannet

Saint Julien d’Asse

Saint Jurs

Saint Laurent du Verdon

Saint Martin de Brômes

Sainte Tulle

Salignac

Sigonce

Sisteron

Sourribes

Thoard

Valensole

Villeneuve

Volonne

Volx


Retrouvez les communes classées zones vulnérables dans les Hautes-Alpes :

Gap

Rambaud

Saint Laurent du Cros