Hautes-Alpes : Gap, un arrêté "anti-mendicité" qui ne passe pas

Hautes-Alpes : Gap, un arrêté "anti-mendicité" qui ne passe pas

POLITIQUE / Après Christophe Pierrel, leader de l'opposition municipale socialiste, le Parti Communiste Français et le Secours Populaire montent au créneau contre un arrêté pris par la municipalité. Arrêté interdisant aux "personnes ayant des tenues inappropriées d’occuper de manière abusive et prolongée l’espace public."

 

- Hautes-Alpes - 

 

Roger Didier, vivement critiqué après un arrêté municipal signé le 23 juillet dernier. Arrêté interdisant dans le centre-ville entre le 6 août et le 30 septembre prochain « toutes occupations abusives et prolongées des rues en particulier de personnes ayant des tenues ou des comportements inappropriés dans l’espace public ». Le texte va plus loin en interdisant également la station « assise ou allongée » lorsqu’elle entrave la circulation des piétons et des véhicules, l’errance de chiens sur les pelouses, terrains de jeux ou dans les fontaines et la consommation excessive de boissons alcoolisées pouvant donner lieu à des comportements « manifestement violents ou provocateurs ».

Pour les opposants politiques, mais aussi pour les associations, rien de plus sûr qu’il s’agit là d’un « arrêté anti-mendicité ». Après Christophe Pierrel, leader de l’opposition municipale socialiste, au tour du Parti Communiste Français et sa conseillère Elsa Ferrero de monter au créneau. Pour l’élue, c’est « une guerre aux pauvres » qui s’est ouverte, « la solution à ce problème douloureux passe d’abord par la solidarité, pas par la stigmatisation et la répression », poursuit-elle en estimant que Roger Didier tente ici de dissimuler la mendicité.

 

« Cachez ces pauvres que je ne saurais voir », Ensemble 05 !

 

Le mouvement politique voit en cet arrêté un « attentat contre la liberté publique, contre le simple fait d’exister » en rappelant que le partage de l’espace public « est un acquis des révolutions modernes ». La décision municipale ne va, ni plus ni moins selon Ensemble, vers une « régression politique, on dénie aux pauvres le droit de vivre puisqu’on leur interdit de recourir à l’aumône, dite justement, publique ».

 

« Cela va nuire au difficile travail mené par les acteurs sociaux et renforcer la stigmatisation », Secours Populaire

 

L’association humanitaire s’interroge sur la volonté politique du maire, alors que la mendicité n’est plus reconnue comme un délit depuis 1994 et que la mendicité agressive est également interdite par la loi, « l’arrêté apparait donc redondant ». Une décision municipale qui aura pour conséquence, selon le Secours Populaire, d’éloigner ces personnes vulnérables de certaines zones de la cité « et nuira au difficile travail des acteurs sociaux ». L’organisation en appelle désormais aux autorités publiques pour « imaginer les solutions pérennes alternatives ».

 

Gap récidive, et copie Nice

Ce n’est pas la première fois que la Capitale Douce s’inscrit dans cette démarche. Déjà en 1997, l’ancien maire Pierre Bernard-Reymond avait pris un arrêté visant à restreindre la mendicité sur la voie publique. « La station assise ou allongée à même le sol » était interdite dans les rues du centre-ville de juillet à septembre.

Depuis le début de la décennie fleurissent dans de nombreuses villes de France des arrêtés anti-mendicité. Dernière en date : Nice où le maire Christian Estrosi, a signé en juin dernier la « mendicité agressive » entre 9h et 2h du matin, jusqu’au 30 septembre. Un arrêté très précis dans le texte, et qui interdit uniquement certains lieux emblématiques de la ville, et des circonstances bien déterminées (troubles à la tranquillité et à la sécurité des personnes près des caisses de parkings et des distributeurs de billets, gêne à la circulation routière, présence de chiens de catégorie 1 ou 2 ou non tenus en laisse ou non muselés). Un arrêté dont semble s’être inspirée Gap.

 

Est-ce légal ? 

La loi est très précise à ce sujet : les arrêtés anti-mendicité ne sont pas illégaux, mais sous de strictes conditions. Ainsi, l’article 65 de la loi du 18 mars 2003 punit de 6 mois d’emprisonnement et 3.750 euros d’amende le « fait, en réunion et de manière agressive, ou sous la menace d’un animal dangereux, de solliciter, sur la voie publique, la remise de fonds, de valeurs ou d’un bien ».

Si l’arrêté de Nice n’a pas été annulé, celui de Tours l’a été par deux fois. Dernière annulation en date : un arrêt du 7 juin 2017 de la Cour Administrative d’Appel de Nantes considérant que l’arrêté était « de nature à affecter de façon spécifique la liberté d’aller et de venir de personnes, en particulier celles se trouvant en situation précaire ». En effet, la ville, dans sa décision, visait « toute occupation abusive et prolongée des rues et autres dépendances domaniales, accompagnée ou non de sollicitations ou quêtes à l’égard des passants, accompagnée ou non de chiens, même tenus en laisse, lorsqu’elle est de nature à entraver la libre circulation des personnes, la commodité de passage et la sûreté dans les rues ». Une portée bien trop générale.

 

C. Michard