Hautes-Alpes : téléphérique de Bure, tout est-il mis en oeuvre pour éviter une nouvelle catastrophe humaine ?

Hautes-Alpes : téléphérique de Bure, tout est-il mis en oeuvre pour éviter une nouvelle catastrophe humaine ?

SOCIÉTÉ / Un câble porteur a déraillé le 21 novembre dernier, le préfet a décidé de la suspension jusqu'à nouvel ordre de l'exploitation. Des travaux de remise en état doivent être menés. Mais certaines sources pointent un scénario qui pourrait se reproduire... la catastrophe de 1999 qui avait coûté la vie à 20 personnes.

 

- Hautes-Alpes -

 

Le téléphérique de Bure, dans le Dévoluy, à l’arrêt total depuis plus de deux semaines. Et aucune date de remise en route ne peut être fixée à l’heure actuelle. En cause : un incident technique le 21 novembre dernier, l’un des câbles porteurs transportant du matériel a lâché. Un évènement et un site qui réveillent un douloureux souvenir, celui de 1999 où 20 personnes ont péri dans la chute d’une télécabine. Si le téléphérique est neuf, tout est-il mis en œuvre pour éviter une nouvelle catastrophe humaine ?

 

Le téléphérique de Bure, une histoire entachée d’un drame

Cet accident du 1er juillet 1999 est dans toutes les mémoires de Haut-Alpins. En ce matin d’été, une cabine se décroche plongeant dans sa chute d’une centaine de mètres 20 personnes à la mort. Lors du procès en 2003 devant le tribunal correctionnel de Gap, des défaillances sont mises à jour. Notamment l’absence de frein. Octobre 2015 : après d’importants travaux, le téléphérique de Bure est remis en service. D’une longueur de 4.040 mètres, c’est le plus long va-et-vient de France, équipé d’un côté d’une cabine pour le transport de matériel, et de l’autre d’une cabine pour le transport des personnes. Notamment celui du personnel de l’IRAM, l’institut de radioastronomie millimétrique qui mène son projet d’observatoire NOEMA, haut lieu de l’astronomie mondiale qui doit à terme accueillir sur le plateau de Bure 12 antennes. Aujourd’hui, huit sont en service, deux autres sont en construction pour une mise en service l’an prochain.

 

 

 

« Il s’agit d’un déraillement généralisé, un évènement rarissime », V. Valdenaire, STRMTG

Mais un peu plus d’un an après sa mise en service, le téléphérique est à l’arrêt total suite à un « incident technique » comme le précise l’IRAM. Le 21 novembre dernier, l’un des 4 câbles porteurs lâche au niveau de la voie matérielle. Pas de blessés mais d’importants dégâts.  Vivien Valdenaire a été dépêché sur place, il est chef de bureau Alpes du Sud du STRMTG, le Service Technique des Remontées Mécaniques et Transports Guidés. Organisme d’État qui est la main ouvrière du Préfet pour suivre les installations des remontées mécaniques, « nous avons constaté un déraillement généralisé, avec au niveau du pylône 3 l’un des câbles porteurs, dont la fonction est de supporter le poids des véhicules, qui est au sol. De mémoire du STRMTG, nous n’avons jamais eu affaire à ce type de problèmes », explique le chef de bureau. Un évènement donc rarissime. Les travaux de remise en état seront longs, un cabinet de maitrise d’œuvre privé a été missionné pour gérer ces opérations.

 

Photo constructeur LEITNER

 

Ce type d’incident aurait-il pu se dérouler sur la cabine passagers et reproduire l’accident mortel de 1999 ?

L’IRAM appuie sur le fait que le « personnel n’est pas en danger ». En effet, ce matin du 21 novembre, face aux conditions météorologiques, le téléphérique n’est pas en exploitation selon l’Institut. Comprenez qu’il a été décidé de ne transporter aucune personne. La décision humaine ne serait-elle que le seul rempart de sécurité pour les passagers aujourd’hui ? « Tous les remparts ont permis d’éviter que l’évènement se produise avec des personnes sur la ligne », poursuit Vivien Valdenaire.

Le préfet des Hautes-Alpes, Philippe Court, a décidé la suspension de l’exploitation le temps d’établir un diagnostic précis. Plusieurs hypothèses sont envisagées à l’heure actuelle, mais il est toujours trop tôt pour faire une conclusion car le véhicule de transport de matériel sur lequel se trouvent des indices est toujours suspendu au dernier câble porteur. Il faudra donc qu’il soit rapatrié. « Il faudra certainement des améliorations tant au niveau de l’exploitation du système que des mesures, qui pourraient être plus restrictives au niveau de la ligne matérielle. On était un cran en dessous », avoue le chef de bureau du STRMTG.

 

Le téléphérique fonctionnait-il réellement sans passagers ce jour de 21 novembre ? 

Si pour le STRMTG, l’accident de 1999 n’a aucun lien avec l’incident de 2016, pourtant, pour d’autres, on craint de réécrire l’histoire. Selon une source proche de ce dossier, la nouvelle machine serait moins sécurisée que l’ancienne. Des problèmes « qui étaient écrits dès la construction avec une mauvaise conception », toujours selon cette source qui apporte plusieurs arguments.

Il existe un rattrape câble qui permet lors d’un déraillement d’éviter que le mécanisme et la cabine ne soient entraînés au sol. Un rattrape câble qui aurait déjà servi lors d’un précédent déraillement avant la mise en route en 2015, mais pas lors de cet incident du 21 novembre dernier, ce qui témoignerait d’une fragilité de l’installation.

De plus, toujours selon cette source, cet incident aurait pu se produire côté passager car les câbles sont identiques, le mécanisme est le même et « la ligne matérielle est autant sécurisée que la ligne passagers ». Plus grave encore, alors que d’un côté on nous précise que le téléphérique ne transportait personne, selon plusieurs sources cette fois, deux personnels se seraient trouvé à bord d’une cabine passagers, avant de s’évacuer à l’aide d’une corde. Alors qu’il est interdit de faire fonctionner le téléphérique avec du matériel et des passagers en même temps.

De son côté, l’IRAM précise que le téléphérique « ne transportait pas de matériel au moment de l’incident technique. Il n’y avait aucun passager dans le téléphérique lors de l’incident, qui est arrivé hors exploitation. Les deux personnes présentes dans la cabine sot des employés de la société d’exploitation du téléphérique, SEETI ». Une présence à bord « dans un cadre professionnel, qui s’explique par les nécessités de service, en l’occurrence l’entretien et la maintenance des équipements ».

 

 

 

Retour sur l'incident technique du 21 novembre et explications de l'IRAM et du STRMTG par Cyrielle Michard :

Certains opposants craignent une réécriture de l'histoire de 1999 :